dimanche 21 novembre 2010

Histoire et géographie miyazakiennes

Voici un ouvrage permettant une prise de connaissance originale de toute l’œuvre de Hayao Miyazaki : son œuvre graphique (bande dessinée) et animée (séries et longs métrages). Il se divise en deux parties : une partie purement chronologique qui balaye l’œuvre en suivant l’ordre de création des mangas, une partie thématique qui analyse les motifs récurrents dans tous les films de Miyazaki.

La première partie est très utile pour appréhender l’étendue de l’œuvre de ce génie japonais, car tous ses dessins animés ne sont pas forcément accessibles au public européen, même si tous les longs métrages sont réédités en double coffret pour ces fêtes de fin d’année. On assiste à une création artistique sur une période de quarante ans (1970-2010) avec une étonnante unité dans la continuité.

La seconde partie est la plus intéressante car elle fait apparaître les thèmes transversaux qui sont présents dans tous les films. Les auteurs sont parvenus à tracer un schéma directeur identique à toutes les histoires racontées par Miyazaki. Ce schéma est basé sur l’universalité d’un voyage des personnages d’un lieu clos vers un autre lieu clos et qui passe par les obstacles que représentent la société, la civilisation et la nature.

La trame des histoires de Miyazaki se distinguent radicalement de celle que nous racontent les contes et mythes occidentaux (comme l’a révélé un Joseph Campbell, par exemple). Et cela nous permet de découvrir ce point de vue typiquement japonais. Voici quelques points remarquables :

1) Il n’y a pas un héros de l’histoire, comme dans les épopées occidentales, mais un couple héroïque : il s’agit souvent d’un couple d’enfants, mais aussi parfois d’adultes. Le héros miyazakien est un couple, ce qui alimente aussi la réflexion sur l’individu : l’individu seul n’est absolument rien, il n’existe que dans une relation de couple, si bien que l’individu de base est le couple. Que cela soit un enseignement.

2) Le héros n’est pas béni des dieux et comblé de dons. Au contraire, les personnages miyazakiens sont souvent des maudits ou des victimes de malédiction. Cependant, l’histoire ne consiste pas à se sauver du mal mais à vivre avec. Souvent les personnages parviennent à lever leur malédiction, mais ils ne peuvent plus vivre comme avant.

3) L’autre, c’est le voisin. Toutes les histoires de Miyazaki semblent nous dire qu’il faut apprendre à vivre en bonne entente avec ses voisins, malgré leur différence ou leur étrangeté. Cette morale récuse tout manichéisme, et l’on voit bon nombre de « méchants » devenir sympathiques.

Cet ouvrage est aussi recommandable pour son caractère introductif à la culture japonaise. Que ce soit sur la mentalité nippone quant à l’insularité de cette nation : ce qui fait que les japonais ne sont pas des marins mais des agriculteurs et que ce qu’ils craignent le plus, c’est le tsunami ; ou bien que ce soit sur leur religion shinto qui consiste en un respect absolu de tout ce qui existe et qui explique pourquoi il y a des dieux partout : cette religion n’a pas de textes sacrés et ne comporte aucun commandement, étalon d’une morale qui s’impose à l’homme.

Enfin, on appréciera un décryptage très poussé du Voyage de Chihiro, avec notamment toutes les traductions des idéogrammes japonais, ce qui nous révèle toute une dimension de significations qui parlent aux japonais mais qui ne nous est pas accessibles par la barrière de la langue. La seule chose qu’on peut regretter, c’est que cet exercice n’ait pas été fait pour chaque film, mais il aurait fallu décupler la taille de l’ouvrage.

lundi 8 novembre 2010

Le mouton est tondu deux fois

© F’murr, Le Génie des Alpages

La loi est passée. Les acquis sociaux du Conseil National de la Résistance sont enfin révolus. Tout ce bon argent qui passait directement des actifs aux retraités sans « travailler » va enfin passer entre les mains des financiers. Merci Monsieur le Président.

Il s’agit vraiment d’un détournement de fonds. En rendant misérables les versements de pensions de retraite, l’ultralibéralisme au pouvoir nous oblige à épargner. Autrement dit, à lui donner notre argent qu’il nous reversera le moment venu en complément de notre retraite.

Les Plans d’Epargne Retraite Populaire (PERP) sont en plein développement : ce sont les banques, les assurances et les mutuelles qui vendent ces produits. En 2010, il y a 2,1 millions de PERP de souscrits pour une épargne totale de 5,7 milliards d’euros (source : 20 minutes du 08/11/10).

Et à quoi servent tous ces euros ? Cet argent qui aurait pu tout simplement passer des actifs aux retraités, passe d’abord entre les mains des financiers. Et je ne pense pas qu’ils s’en servent à des fins philanthropiques.

Sachez que le PERP n’est pas très populaire. Si les versements que vous effectuez sont déductibles de votre impôt sur le revenu, les rentes que vous percevrez une fois à la retraite seront-elles tout à fait imposables.

Le capital que vous épargnez est bloqué (sauf cas grave, genre décès) : donc c’est votre argent, mais vous ne pouvez pas y toucher. Vous le mettez de côté, mais vous ne pourrez rien faire avec. A la retraite, vous ne pourrez en toucher que 20% en capital, le reste le sera en rentes complémentaires.

Autant dire que ce n’est plus votre argent mais celui de l’organisme qui vous l’a « confisqué » – pardon – à qui vous l’avez « confié ». Donc, cet argent ne sert plus à payer les retraites de nos aînés, mais quand il vous sera reversé vous payerez des impôts sur le revenu.

C’est bien ce que je disais, le mouton est tondu deux fois.

vendredi 5 novembre 2010

Des individus et de leur utilité

J’arrive maintenant au deuxième versant de la question « pourquoi des individus ? ». J’espère avoir, dans un premier temps, réussi à décoller la notion d’individu de la réalité physique de l’organisme vivant par l’observation des insectes et avec quelques considérations tératologiques.

Pour aller dans ce sens, il faut affirmer par exemple que deux personnes peuvent former un individu : ne dit-on pas de ceux qui s’aiment qu’ils ne font plus qu’un ? Ce n’est pas à mon sens une image poétique, une métaphore : c’est bien une réalité, le couple est un individu composé de deux personnes.

Je veux donc repartir de l’idée reçue « individu = atome social », c’est-à-dire, l’élément réel le plus petit et indivisible qui correspond à un être humain singulier. Evidemment, je remets en cause cette idée, car il se pourrait bien que cette idée – avec ce que nous avons déjà vu – ne corresponde à rien dans la réalité.

En revanche, l’idée d’individu peut servir à quelque chose, elle a son utilité. Et c’est ainsi que la question « pourquoi des individus ? » peut se formuler aussi sous la forme « des individus, pour quoi faire ? », la réponse s’orientant alors vers l’usage politique de cette notion d’individu.

L’idée d’individu engendre une idéologie qui est l’individualisme. Cette idéologie pourra avoir des vertus mais en ce qui nous concerne elle constitue un puissant outil de domination. Faire croire aux gens qu’ils sont des individus permet de les contraindre à certaines façons de penser et à certaines façons d’agir et surtout cela permet de les empêcher de penser et d’agir différemment ou dans une direction contraire à l’idéologie individualiste.

En somme, la notion d’individu est une fiction qui a une fonction bien déterminée. Cette fonction consiste à faire croire aux gens qu’ils sont des entités indépendantes et autonomes, mais isolées et impuissantes (car que peut un individu contre la complexité du monde et la puissances des multinationales ?).

Par conséquent, les gens qui se prennent pour des individus sont forcément la proie de passions tristes (engendrées par la pensée que l’individu ne peut pas faire grand-chose tout seul) et donc facilement dominables par ceux qui ont le pouvoir. Cette pensée nuit gravement aux effets bénéfiques de la solidarité, de l’échange gratuit, et de toutes les relations que nous pouvons nouer avec nos semblables autres que les relations marchandes et de compétitivité interindividuelle.

C’est pourquoi je vous invite à rejeter l’idée que nous sommes des individus. Non, nous ne sommes pas des individus ! En tout cas, nous ne sommes pas cet individu qu’on voudrait nous faire croire que nous sommes. Nous sommes beaucoup mieux et beaucoup plus que cela. Parler de ce que nous sommes vraiment pourra faire l’objet d’autres articles, si cela vous intéresse…

The Sky Crawlers


Un film en animation classique (non pas numérique) de Mamoru Oshii, qui est une adaptation du roman éponyme de Hiroshi Mori. A découvrir. Le texte suivant est la dédicace du roman :

« … aux adultes qui ne connaissent pas la guerre. Ceux-ci commettent trois erreurs :
1. ils croient que les enfants naissent d’eux ;
2. ils sont persuadés d’en savoir plus qu’eux ;
3. ils souhaitent que les enfants deviennent un jour comme eux.
La stupidité de ces chimères est plus tragique que n’importe quelle guerre.
»

Remettre les choses dans le bon sens

Les écoles de commerce proposent des diplômes baptisés "Force de Vente", il faudrait plutôt les appeler "Vente de Force".

mercredi 3 novembre 2010

Le droit de se plaindre

Les temps sont un peu durs en France en ce moment, mais en les remettant dans cette perspective :

1. je ne me suis pas couché hier avec la faim au ventre.
2. je n’ai pas passé la nuit dehors.
3. j’ai pu choisir les vêtements que je porte ce matin.
4. je n’ai pas beaucoup transpiré aujourd’hui.
5. je n’ai pas passé une minute dans la peur.
6. j’ai accès à l’eau potable.
7. j’ai accès aux soins médicaux.
8. j’ai accès à Internet.
9. je sais lire.
10. j’ai le droit de vote.

Alors dans un sens, je n’ai pas le droit de (trop) me plaindre. Si tu lis ce message, tu fais aussi partie des 20% de la population mondiale qui n’a pas le droit de (trop) se plaindre. 80 % des gens ne peuvent pas affirmer un des 10 points ci-dessus.

En même temps…

… ce n’est pas une raison pour accepter la réforme des retraites qui obligera les salariés à souscrire à un régime privatisé de capitalisation pour une pension complémentaire. C’est encore une fois, une manipulation qui joue sur la peur des individus pour leur extorquer une partie de leur revenu.

La France est un pays riche, très riche. Le système de répartition fait transiter un flux colossal d’argent entre les actifs et les retraités. Mais aucun financier ne peut mettre la main sur ce flux colossal, et l’argent qui va des uns aux autres « ne sert à rien » selon le point de vue de ces financiers.

Mais si on torpille le système de répartition, si bien que les salariés soient obligés de capitaliser pour leur retraite à eux dans 40 ans, auprès d’un organisme semi-privé, cela fait que « ces fonds de pension » pourront utiliser cet argent pour… pour… et bien, pour faire de l’argent, mais pas forcément pour les retraités.

On a toujours le droit de se plaindre contre l’injustice.

mercredi 8 septembre 2010

Un casse tête pour l'état civil ?

Fini les vacances, c'est la rentrée. Pour reprendre en douceur, je vous propose de visionner une petite vidéo, et nous pourrons reprendre notre discussion sur l'individu.

http://www.youtube.com/watch?v=BkKWApOAG2g

mercredi 9 juin 2010

Les Deschiens sortent en boite


« Putain de salle des fêtes de merde ! » C’est le verdict lapidaire – et la seule réplique – du personnage musicien du dernier spectacle de Deschamps et Makaïef : il fallait un personnage muet le reste du temps pour nous dire l’essentiel à retenir de ce lieu.

Oui, cette salle des fêtes connaît la crise : son nom, « le Macumba », la ringardise pas mal, et bien que d’incessants et bruyants travaux doivent lui redonner sa jeunesse, on dirait que rien n’empêchera le bateau de couler.

Mais le pire, c’est la patronne, Madame Cravotta : tyrannique, sadique, incompétente, ignoble, bref, elle a tout ce qui fait qu’on hait ceux qui ont une once de pouvoir, car elle en abuse ; elle terrifie son monde comme son improbable pitbull « Kiki » enchaîné derrière le bar pour surveiller les cubis de vin rouge réservés à la sangria de la soirée prestige.

Et pourtant, bien que cette salle des fêtes semble condamnée à mettre la clé sous la porte, on peut encore y succomber à la fièvre du samedi soir. Et tous les épisodes de la misère du quotidien, cruels et pathétiques, (« minou, il est où le minou ? »), sont scandés par des moments de grâce pure, chansons et danses, issus du répertoire des variétés internationales.

Tout est passé en revue : rock, hard rock, disco, biguine, reggæ, music pop, etc. Et quand on voit revenir le musicien (le muet du début) et qu’il prend sa guitare, on sait alors que les trois prochaines minutes vont être jubilatoires et complètement jouissives, et qu’elles nous feront oublier les moment pénibles – bien qu’horriblement horripilants – des tracas du Macumba.

Par le plus grand des hasards, je suis également en train de lire Le théâtre et son double d’Antonin Artaud, et il y a quelques échos qui résonnent entre le manifeste du fou et la création des héritiers de Jacques Tati. C’est en tous cas l’abolition du théâtre en tant que continuité dialoguée avec développement d’intrigues psychologiques.

Certes, les Deschiens ont des échanges verbaux, mais autant dire qu’il s’agit de créer un fond sonore : il ne s’agit pas de communiquer un message. Les meilleurs moments du spectacle sont ceux où les personnages se parlent mais où l’on ne comprend rien à ce qu’ils disent.

C’est principalement le cas lors des scénettes en langue étrangère (et orientale notamment) : en arabe pour le chantier, en japonais pour les arts martiaux, en particulier. On ne comprend rien aux paroles, mais on comprend tout à la situation : un rappel efficace que les mots articulés n’ont pas le monopole du langage et une bouffée d’air frais dans le théâtre à l’occidental.

jeudi 20 mai 2010

L’individu, aboutissement ou étape ?


Quand je me demande : « pourquoi des individus ? », c’est d’abord à cause d’un étonnement sur leur existence biologique dans la fameuse hiérarchie « genre – espèce – individu ». Pourquoi une espèce se compose-t-elle d’individus ou pourquoi n’y a-t-il pas, comme dirait Bergson, des espèces composées d’un seul individu ?

Façon de parler ou non, les colonies de fourmis et les essaims d’abeilles, bien que composés de centaines d’individus, ne forment eux-mêmes, en fait, qu’un seul individu. L’être vivant est la colonie ou l’essaim, la fourmi ou l’abeille seule n’est absolument rien en dehors de son groupe.

Pourquoi la vie se manifeste donc sous la forme d’individus, qui non seulement sont séparés les uns des autres, mais sont également périssables. Pourquoi n’y a-t-il pas un seul individu par espèce, unique, autosuffisant et immortel ? Des dieux, en quelque sorte, dont l’individualité ne souffre pas des défauts d’être un individu dans une espèce ?

La réponse à ce versant de la question tient dans la nécessaire matérialité de la vie, dans son incarnation de fait. La matière est réfractaire, la vie compose avec elle et le résultat est la formation d’individus mortels, parce que c’est le mieux que l’on puisse faire dans ces conditions.

La vie aurait bien aimé créer des dieux, mais elle n’a pu faire que des hommes et autres êtres vivants car la matière ne l’a pas permis. De même les sociétés d’individus fonctionnent aussi sur le même principe : la vie n’a pas pu aller plus loin ; elle est allé jusqu’où elle a pu, mais est-ce un aboutissement ou une étape ? En effet, parfois, la vie perce sous la matière ; c’est ce que dit Bergson :

« [Un élan vital] avait donné des sociétés closes parce qu'il ne pouvait plus entraîner la matière, mais [il] va ensuite chercher et reprendre, à défaut de l'espèce, telle ou telle individualité privilégiée. Cet élan se continue ainsi par l'intermédiaire de certains hommes, dont chacun se trouve constituer une espèce composée d'un seul individu. » Les deux sources de la morale et de la religion, début du Chapitre IV.

Ces hommes particuliers sont ce que Bergson appelle les « mystiques » ; des individus qui sortent de toutes limites.

Une petite question bien vicieuse

Si vous êtes CONTRE la peine de mort, pourquoi êtes-vous aussi POUR l'avortement ?

mardi 18 mai 2010

La Maison de Zélizar à la mauvaise réputation

L’auberge la plus fameuse et la plus infâme de tout Rauxes est sans aucun doute la Maison de Zélizar. Cependant, sa mauvaise réputation ne vient pas de ce que l’on y sert ni de son confort, mais des qualités (im)morales de ses clients. Zélizar est certainement le meilleur « chef » du Grand Royaume et sa cuisine est la plus délicieuse des Flanaess. Et si Zélizar était aussi un adepte de Pyremius, le Dieu du Meurtre ? Vous avez une semaine à passer à Rauxes, alors surtout ne manquez pas de faire un tour à la Maison de Zélizar ! Cet article est paru pour la première fois sur canonfire.

Avant de devenir la Maison de Zélizar, l’auberge appartenait à un Hobbit et s’appelait « Le Potin Gourmand ». C’était une hôtellerie de qualité moyenne. Il advint que le propriétaire dut quitter la ville et il la céda à son successeur : Zélizar. Ce dernier la fit prospérer (voir le plan de Rauxes dans Fate of Istus, Aventure 7, la Maison de Zélizar est le n° 66).

L’Histoire de Zélizar

Zélizar est un suel et un ancien membre de la Confrérie Ecarlate. Il est né dans le programme eugéniste de la Confrérie Ecarlate. Il suivit l’apprentissage pour devenir un assassin, et il devint un adepte de Pyremius, le Dieu du Meurtre. Il adhéra à la Faction religieuse des Dagues d’Airain. Il décida, à ce moment, de se spécialiser dans l’empoisonnement.

C’est ainsi qu’il devint l’apprenti des maîtres empoisonneurs de la Confrérie Ecarlate, qui étaient tous des adeptes de Pyremius. En fait, ces maîtres tenaient tous un restaurant dans chaque grande cité de la Péninsule Tilvanost (voir l’article « Pyremius » dans l’Accessoire The Scarlet Brotherhood).

Zélizar fit son apprentissage en visitant chaque maître dans leur maison qui se trouvait proche de leur restaurant. Ce fut une révélation pour Zélizar : non seulement des ingrédients pouvaient être concoctés pour fabriquer de puissants poisons, mais encore d’autres ingrédients pouvaient être cuisinés pour faire de délicieux mets et breuvages. La seconde passion de Zélizar après les poisons fut, à compter de ce jour, l’art de la cuisine.

Comme première mission dans le monde extérieur, Zélizar fut envoyé au nord avec d’autres frères et sœurs du programme eugéniste. Son groupe devait recueillir des informations politiques et des connaissances magiques dans le Grand Royaume. Tout ne se déroula pas bien, la majorité de son groupe fut tuée, mais Zélizar pris goût à la liberté de sa nouvelle vie en dehors des règles rigides de la Confrérie. Zélizar devint un renégat. Sa seule ambition était désormais d’atteindre conjointement les sommets des arts de l’empoisonnement et de la haute cuisine.

La Maison de Zélizar

A Rauxes, une occasion se présenta : Zélizar acheta « le Potin Gourmand » avec l’or et les gemmes qu’il avait gagnées et/ou volées, et commença sa propre entreprise. Comme indiqué, il voulait passer maître dans les arts de la toxicologie et de la gastronomie. Il réussit dans les deux cas, avec la « bénédiction » de Pyremius, à qui il demeura fidèlement soumis. Il rompit ses liens avec la Confrérie, là encore avec la protection de Pyremius lui-même, mais il conserva des contacts épisodiques avec les Dagues d’Airain. Zélizar s’affilia à la guilde des assassins de Rauxes, juste pour être laissé tranquille dans ses recherches. La protection obtenue fut cependant appréciée. Mais Zélizar gagna d’autres protecteurs… de type « mécène ».

La réputation de son établissement grimpa en flèche grâce à la qualité de la nourriture servie et à l’originalité des liqueurs qu’il distillait lui-même. Cela attira les puissants et les fortunés de Rauxes, mais ces derniers restèrent et revinrent parce que Zélizar avait tant d’autres choses à offrir. N’importe quelle substance pouvait être obtenue si l’on y mettait le prix : alcools, drogues, même celles tirées des lotus, quelques potions magiques choisies et, bien sûr, des poisons et leur antidote. Zélizar est un homme riche aujourd’hui.

L’un de ces protecteurs influents n’est autre que son client quasi-permanent, le Prince Ishainken de Naelax (voir le chapitre Rauxes dans Ivid the Undying). Cet aristocrate décadent est nihiliste, odieux et débauché : il devint avec enthousiasme le mécène de Zélizar. Ses propres gardes du corps (six guerriers de niveau 3 à 8 et deux voleurs de niveau 5 et 8) défendront également la vie de Zélizar, en cas de besoin.

Comme dans les autres restaurants tenus par des adeptes de Pyremius, il est en réalité parfaitement sûr de déjeuner à la Maison de Zélizar. Zélizar n’est pas un empoisonneur fou obsédé par l’assassinat de masse. Il distingue radicalement sa cuisine de son laboratoire alchimique. En fait, ses merveilleuses recettes de cuisines sont aujourd’hui réalisées par ses cuistots et ses marmitons, si bien qu’il peut se dédier entièrement à la maîtrise totale des poisons. Un de ses chefs d’œuvre est décrit ci-dessous.

La Spécialité de Zélizar

Zélizar est un artiste dans son domaine. Ses talents culminent dorénavant dans le raffinement et l’expertise. Il a inventé une façon esthétique d’empoisonner qu’il a baptisé « le creuset hepticide ». Au lieu de concocter et distiller les ingrédients du poison dans un récipient, il est parvenu à créer un poison dont il mélange les ingrédients directement dans le corps de la victime. La victime est littéralement un creuset vivant. Le processus prend sept jours, un ingrédient étant incorporé dans la victime chaque jour.

Cette méthode est connue comme un poison à plusieurs étapes (voir l’utilisation du poison dans l’article « The Anti-Paladin NPC » paru dans Dragon Magazine # 39). Un poison à plusieurs étapes est un composé aux effets toxiques dont les éléments individuels qui entrent dans sa composition sont, par eux-mêmes, inoffensifs et comestibles. Cependant, quand ils sont combinés (dans l’estomac de la victime, par exemple), ils produisent un poison puissant si ce n’est mortel. Un tel poison est parfaitement indétectable, car il n’est pas dangereux avant que ses éléments soient tous réunis dans la victime.

Le creuset hepticide est un poison à sept étapes. Quand le septième ingrédient est administré, une mort instantanée survient. Le processus de sept jours est l’objet d’un choix esthétique et d’une dévotion religieuse. Les étapes sont les suivantes :
Waterday : ingrédient liquide
Earthday : ingrédient solide
Freeday : ingrédient gazeux
Starday : ingrédient liquide
Sunday : ingrédient solide
Moonday : ingrédient gazeux
Godsday (en l’honneur de Pyremius) : ingrédient tactile

C’est pourquoi, une victime peut être empoisonnée sans qu’elle n’en ait même conscience. En fait, durant les six premiers jours aucun dommage ni aucune incapacité ne se fait sentir. Le poison fait effet le septième jour quand la peau de la victime entre en contact avec le dernier ingrédient. Pas d’antidote, pas de jet de protection : mort instantanée.

Mais la réputation et la fierté de Zélizar sont telles qu’il choisit souvent d’informer sa victime du fait qu’il a commencé le grand œuvre du creuset hepticide sur elle. Il fait cela au bénéfice de sa reconnaissance artistique personnelle, et, dans un sens, pour signifier à la victime qu’il s’agit d’un honneur pour elle d’être empoisonnée par un maître tel que lui. Cela fait également à Zélizar une publicité gratuite, et donne un spectacle qui est souvent apprécié par des amateurs dépravés de ce genre de chose, comme le Prince Ishainken, afin de nourrir leur voyeurisme morbide.

Suggestion d’Aventure

Total de niveaux du groupe : 39 (niveau moyen : 6-7)
Terrain : Rauxes, Cité capitale du Grand Royaume
Type d’aventure : course contre la montre, compte à rebours avant la mort : sept jours


Si les PJ dans votre campagne doivent aller à Rauxes, vous pouvez utiliser le creuset hepticide de Zélizar pour « épicer » leur séjour dans la cité corrompue. Rendez impossible pour les PJ toute manière de quitter la ville pendant le processus (ex : inondations). Les PJ ne sont pas obligés de loger dans la Maison de Zélizar, mais c’est envisageable. Vous devez d’abord déterminer qui est le commanditaire de Zélizar.

Option 1 : il s’agit d’une personne qui veut que les PJ fasse quelque chose pour elle mais qui sait qu’ils n’accepteront pas d’être engagée par elle. C’est pourquoi cette personne loue les services de Zélizar, et informe indirectement les PJ qu’ils ont maintenant moins d’une semaine pour accomplir un certain travail. Cette tâche doit être forcément remplie dans Rauxes intra muros.

Option 2 : il s’agit du grand méchant de votre campagne, l’ennemi juré des PJ, ou bien quelqu’un de riche et puissant qui veut se venger des PJ. Ce personnage souhaite garder l’anonymat, mais l’interruption du processus interviendra si les PJ découvre son identité avant le septième jour.

Tout commence alors un beau matin, quand un héraut plutôt débonnaire (pensez à l’orateur du Roi Bruno le Contestable dans le film Jabberwocky de Terry Gillian) avec une suite de gens (incluant pourquoi pas les membres d’une fanfare) portant la livrée du Prince Ishainken, par exemple, et pavoisant avec des oriflammes, fait son entrée dans le lieu où les PJ ont élu domicile – leur auberge – et déclare :

« Oyez, oyez ! Au nom du prince Ishainken de Naelax, j’ai l’éminent honneur de vous informer, gentes gens, que Sire/Dame/Seigneur/Maître (nommez ici vos PJ) sont entrés hier dans le premier stade du creuset hepticide de Zélizar. Ils n’ont dorénavant plus que six jours à vivre, avant leur soudaine et indolore mort. » (Quelques applaudissements suivent, telle est la décadence à Rauxes)

Il est possible de dire aux PJ également par quel moyen le premier ingrédient fut administré. Peu importe les précautions et la prudence mises en œuvre par les PJ, répétez cette scène tous les matins (en changeant seulement le nombre de jours qui restent). Le sixième jour, les PJ mourront quand ils entreront en contact avec le dernier ingrédient. Les PJ peuvent commencer leur enquête, et obtenir quelques informations, en allant à la Maison de Zélizar. Ils peuvent être renseignés par Zélizar lui-même, le Prince Ishainken ou qui que vous choisissiez. Rendez évident que l’usage de la violence est inutile en montrant toutes les protections dont bénéficie Zélizar (protections mondaine ou divine, si besoin est).

Les PJ apprennent qu’ils peuvent interrompre le processus si :

Option 1 : ils acceptent le travail demandé par le client de Zélizar et le termine en six jours.

Option 2 : ils découvrent l’identité du client de Zélizar ; Zélizar met fin au processus s’ils réussissent, parce qu’il est payé chaque jour.

Cette aventure est sensée être du genre enquête policière et non pas meurtre en série. Rappelez-vous que les sorts « détection du poison » et « neutralisation du poison » sont inefficaces car les ingrédients du creuset ne sont pas des poisons en eux-mêmes.

Caractéristiques de Zélizar

Race : Suel (humain), masculin, 37 ans.
Classe : Assassin, niveau 13.
Alignement : neutre mauvais.
Religion : Pyremius.
For 16, Int 15, Sag 14, Dex 18, Con 18, Ch 15.
Points de Vie : 71.

Défense spéciale : du fait d’une exposition aux poisons durant toute sa vie, Zélizar est mithridatisé : il bénéficie d’un bonus de +4 à tous ses jets de protection contre le poison (comme la résistance naturelle des Nains).

Possessions : tous les poisons et toutes les substances stupéfiantes dont vous auriez besoin dans votre campagne.

Sources

Fate of Istus, TSR # 9253, Robert J. Kuntz & alii
The Scarlet Brotherhood, TSR # 11374, Sean Reynolds
Ivid the Undying, TSR # 9399, Carl Sargent
Dragon Magazine # 39, “The Anti-Paladin NPC”, G. Laking & T. Mesford

Le concept original du creuset hepticide : Gathyl
Les caractéristiques de Zélizar : OldMcManu

mercredi 5 mai 2010

Le prince des philosophes


Si vous m'avez suivi, vous savez que Deleuze a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. Or dans le cas de Gilles Deleuze, c'est particulièrement vrai, puisqu'il a dit : "Spinoza est dans mon coeur". Il ajoute que c’est Spinoza « qui m’a fait le plus l’effet d’un courant d’air qui vous pousse dans le dos chaque fois que vous le lisez, d’un balai de sorcière qu’il vous fait enfourcher ». Avec Spinoza, vous vous retrouvez dans l'œil du cyclone.

De même, c'est chez Deleuze que j'ai trouvé une explication à cette fameuse citation bergsonienne et c'est d'ailleurs ce que qui fait dire également à Deleuze que Spinoza est "le prince des philosophes". C'est que la philosophie de Spinoza ne fait pour ainsi dire pas appel à la transcendance, et que c'est dans la mesure où une philosophie ne traite que de l'immanence qu'elle est proprement philosophique. Ainsi, est philosophe celui qui saisit l'immanence, et Spinoza le fait le plus purement. En revanche, dès que le philosophe lâche l'immanence pour s'attâcher à la transcendance, il abandonne proportionnellement sa vocation philosophique.

La transcendance, c'est dire qu'il y a autre chose que ce qui existe. L'immanence, c'est dire qu'il n'y a rien d'autre que ce qui existe. Avec la transcendance, on ouvre la porte des arrière-mondes. Avec l'immanence, on reste dans le monde. Mais le monde est jugé comme un objet indigne de la pensée pour le celui qui se dit philosophe, alors il se reporte sur des idées plus valorisante comme l'Être, l'Essence, la Substance, etc. qui le font sortir du monde car elle sont forcément transcendantales. Il croit que l'immanence est une prison, dont le Transcendant nous sauve. Il n'est plus philosophe alors, il est devenu un prêtre.

Pour finir, je laisse la parole à Deleuze : "Celui qui savait pleinement que l'immanence n'était qu'à soi-même, et ainsi qu'elle était un plan parcouru par les mouvements de l'infini, (...), c'est Spinoza. Aussi est-il le prince des philosophes. Peut-être le seul à n'avoir passé aucun compromis avec la transcendance, à l'avoir pouchassée partout. (...) Il a trouvé la seule liberté dans l'immanence. Il a achevé la philosophie parce qu'il en a rempli la supposition pré-philosophique. (...) Spinoza, c'est le vertige de l'immanence auquel tant de philosophes tentent d'échapper. Serons-nous jamais mûrs pour une inspiration spinoziste ?" Qu'est-ce que la philosophie ? Ed. de Minuit, 1996.

Le programme eugéniste de la Confrérie Ecarlate

Dans le Greyhawk Player’s Guide (TSR # 9578), vous trouvez des ajustements raciaux aux caractéristiques si vous souhaitez incarner un personnage humain suel. Mais ces ajustements (+1 en INT et -1 en CHA) s’appliquent au personnage suel moyen, qui n’est même pas forcément membre de la Confrérie Ecarlate. Et si vous vouliez jouer un PJ ou créer un PNJ engendré par le programme eugéniste de la Confrérie Ecarlate ? Essayez donc cette méthode Vbis pour tirer les caractéristiques de ces personnages. Cet article est paru pour la première fois sur canonfire.

Méthode Vbis

Cette méthode, dérivée de la méthode V parue dans Unearthed Arcana (TSR # 2017), est utilisable pour créer des PJ ou des PNJ de race strictement humaine et issus du peuple suel dans la Confrérie Ecarlate et pour simuler les effets de l’eugénisme du contrôle des naissances de cette société secrète. Elle peut être utilisée pour n’importe quelle édition du jeu de rôle Donjons & Dragons.

Pour commencer, vous devez déterminer à quelle classe appartiennent les parents du personnage, soit délibérément soit aléatoirement. Les citoyens qui sont autorisés à avoir des enfants sont ceux des classes suivantes : Moine (frère et sœur), Assassin (oncle et tante), Voleur (cousin et cousine), Guerrier (les braves), Clerc (les pieux) ou les Magiciens (les sorciers). Choisissez une classe pour le père et une pour la mère ou lancez 1D6 deux fois :
1 = Moine
2 = Assassin
3 = Voleur
4 = Guerrier
5 = Clerc
6 = Magicien

Les deux parents peuvent être de la même classe : dans ce cas vous retombez sur la méthode V originale de l’U.A. Les statistiques nous révèlent que les meilleures chances pour obtenir des caractéristiques élevées pour votre enfant sont réunies si vous accouplez :
- un père Moine avec une mère Assassin ou Voleuse ;
- un père Guerrier avec une mère Assassin ;
- un père Clerc avec une mère Assassin ou Magicienne ;
- un père Magicien avec une mère Voleuse.

A noter : si les avatars de Norebo et Wee Jas avaient un enfant par cette méthode (un père voleur et une mère magicienne), la combinaison offre une probabilité inférieure à la moyenne pour tirer de bons scores. Mais assez parlé de ce sujet…

Pour finir, vous prenez la table parmi celles du fichier en téléchargement ci-dessous qui correspond au couple des parents : chaque table correspond à la classe du père, trouvez ensuite la ligne de la table qui correspond à la classe de la mère, et lisez dans la ligne le nombre de D6 que vous aurez à lancer pour générer la caractéristique indiquée en haut de la colonne. Jetez le nombre de dés, conservez les trois meilleurs tirages, additionnez-les : voici le score de caractéristique. Un seul tirage par caractéristique. « Bea » désigne la Beauté (Comeliness), une caractéristique facultative décrite dans l’U.A.

Cette méthode devrait permettre de créer des scores élevés qui reflètent le parcours des parents. Une fois les caractéristiques générées, vous devrez encore respecter les minima requis pour sélectionner la classe dans laquelle va progresser votre nouveau-né eugénique, mais cela ne devrait pas trop poser de problèmes.

Téléchargement des tables

Exemples de personnages célèbres

Dans le livre relié Greyhawk Adventures (TSR # 2023), vous trouvez les caractéristiques de deux fameux membres de la Confrérie Ecarlate : Korenth Zan, le Père de l’Obédience et Alesh Marin, Membre du Premier Ordre.

Le père de Korenth Zan est un guerrier et sa mère un assassin (une combinaison parmi les meilleure), ainsi ses caractéristiques ont dû être tirées avec cette formule : 8D6 pour la For ; 5D6 pour l’Int ; 5D6 pour la Sag ; 8D6 pour la Dex ; 8D6 pour la Con ; 5D6 pour le Cha ; et le résultat a été : For 17, Int 11, Sag 16, Dex 17, Con 18, Cha 13.

Alesh Marin est la fille d’un moine et d’une moniale. De même, conformément à la méthode V, ses scores sont générés avec : 7D6 pour la For ; 5D6 pour l’Int ; 9D6 pour la Sag ; 8D6 pour la Dex ; 6D6 pour la Con ; 4D6 pour le Cha ; et ils sont les suivants : For 15, Int 10, Sag 17, Dex 18, Con 18, Cha 9.

Idées pour créer un groupe d’agents de la Confrérie Ecarlate

Sans vouloir encourager l’interprétation de personnages d’alignement mauvais ou de groupe de PJ mauvais, je considère toutefois intéressant de faire jouer un groupe d’aventuriers qui ne soit composé que de personnages issus du programme eugéniste de la Confrérie Ecarlate. Ils n’ont aucune connexion avec des gens de l’extérieur, ils doivent en revanche étroitement collaborer entre eux pour le bien de la Confrérie. Ils n’ont sans doute aucune connaissance du contexte des Flanaess, tout comme un groupe de nouveaux joueurs qui ne connaîtrait rien du monde de Greyhawk.

Les citoyens de la Confrérie ne sont pas tous loyaux et mauvais, certains peuvent être neutre ou bon, voire même chaotique dans les limites de leur classe. Ainsi un groupe composé d’aventuriers de niveau 1 créés par cette méthode Vbis pourrait compter des moines loyaux bons, des magiciens loyaux neutres, des clercs loyaux mauvais, des guerriers neutres, ou des assassins neutres mauvais, ou tout ce que le MD autorisera.

Leur première aventure devrait consister à être envoyés dans le monde extérieur (et peu connu) pour ramener à la Confrérie des artefacts suels perdus ou des informations utiles à la conquête des états voisins. Mais pour épicer les relations internes au groupe, vous pouvez ajouter plus de diversité entre les personnages en plus de leur alignement : faites choisir aux joueurs pour leur personnage un Dieu spécifique, un Office dans lequel se déroulera sa carrière professionnelle et une Faction à la quelle il adhère secrètement.

Dieux, Offices et Factions sont décrits dans l’accessoire The Scarlet Brotherhood (TSR # 11374) et résumés ci-dessous :
· 5 Dieux officiels : Bralm, Llerg, Pyremius, Syrul et Wee Jas ; 2 Dieux optionnels : Nerull et Tharizdun.
· 9 Offices : L’Obédience (autorité supérieure), L’Ordre (affaires internes), La Foi (affaires religieuses), La Souveraineté (affaires extérieures), Les Serfs (esclavage), La Pureté (programme eugéniste), Les Armes (affaires militaires), La Diplomatie (espionnage) et La Sorcellerie (recherches magiques).
· 17 Factions (sociétés secrètes) parmi :
1. 7 Factions religieuses : Les Dagues d’Airain (Pyremius), La Cabale de la Flamme Inextinguible (Wee Jas), Les Crocs (Llerg), Les Yeux de Notre Dame de la Sévérité (Wee Jas), Les Guêpes de Jade (Bralm), Les Orateurs de la Fumée Noire (Syrul) et Le Fléau de la Vérité (Syrul).
2. 5 Factions philosophiques : Les Quêteurs du Lointain (explorateurs), La Haute Unité (métissage), La Noblesse Patriotique (monarchiste), Les Millénaristes (prophétie de Huro), La Pureté Suel (intégriste).
3. 5 Factions de classe : Les Banquiers (Voleur), La Confrérie Arcane (Magicien), Les Lames Rouges (Assassin), La Main Forte (Guerrier, Assassin et Voleur), La Majorité du Voleur (Voleur).

Comme quoi il n’y a pas d’unité au sein de la Confrérie Ecarlate mais de nombreuses tensions et divergences, et une groupe assez représentatif de cette hétérogénéité peut donner à votre campagne une ambiance à la PARANOÏA.

Sources

Unearthed Arcana, Gary Gygax, TSR # 2017
Greyhawk Adventures, James Ward, TSR # 2023
Greyhawk Player’s Guide, Anne Brown, TSR # 9578
The Scarlet Brotherhood, Sean Reynolds, TSR # 11374

mardi 27 avril 2010

Galliskinmaufrius, le nom du je

J’ai inventé le nom Galliskinmaufrius comme un mot-valise en télescopant deux mots qui se suivaient dans mon dictionnaire d’anglais : galligaskins et gallimaufry. Je ne savais pas du tout ce que voulaient dire ces mots, mais leur sonorité m’avait plu. Une petite recherche d’étymologie révèle que ces deux mots anglais sont d’origine française.

Galligaskins : 1. haut-de-chausses larges ou braies portées aux XVIème et XVIIème siècles. 2. pantalon lâche. 3. « tuyau de poêle » ou bas, habituellement en cuir. Leggings.
Origine (1570) : provient du mot « gallogascaines » ou « galigascons » d’origine obscure. Sans doute une déformation de galley et Gascon devenu plus tard Gaskin. Vient du mot français « garguesques » – grecques – issu de l’espagnol « greguescos » ou de l’italien « grechesco », tous deux du latin « graecus » – grec – confondu plus tard avec la Gascogne (longtemps occupée par les rois d’Angleterre).

Gallimaufry : 1. un assortiment de plusieurs viandes cuites en sauce, un ragoût. 2. un mélange absurde et confus, salmigondis, pot-pourri, collection de choses diverses et sans rapport entre elles.
Origine (1550) : vient du mot français « galimafrée » signifiant sauce ou ragoût, lui-même étant l’amalgame du verbe « galer » – s’amuser, se réjouir – et du verbe « mafrer » (dialecte picard provenant du hollandais « maffelen » – ouvrir grand la bouche) – ingurgiter, s’empiffrer.

Galliskinmaufrius est donc, onomastiquement délirant, un personnage vêtu de braies en cuir à la grecque, et qui, bon vivant, se régale sans retenue de diverses daubes aux vins de Gascogne. Un D’Artagnan apparenté à Gargantua. Sympathique.

lundi 26 avril 2010

Tout philosophe a deux philosophies


Y a-t-il une philosophie ou bien autant de philosophies que de philosophes ? Sur l’unicité de la philosophie plane le spectre de la pensée unique avec ses censeurs qui peuvent aussi bien accréditer ou exclure les philosophes selon qu’ils sont dans la ligne ou au delà. Sous la pluralité des philosophies grouille la divergence des opinions avec son relativisme qui, en accordant à toutes les pensées la même valeur, la retire absolument à toute la philosophie.

Henri Bergson prend position sur la question en donnant une sorte de repère pour que l’on s’y retrouve. Il écrit à Léon Brunschvicg, en 1927, que « tout philosophe a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Ainsi, il y aurait un centre de gravité du monde philosophique, une étoile polaire du ciel des philosophes, et ce point central a un nom : Spinoza. Le spinozisme comme facteur d’unification de la philosophie malgré toutes les différences et les divergences des philosophes particuliers.

Prenons Bergson au mot et tirons des conclusions : par exemple, « Wittgenstein a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Wittgenstein est wittgensteinien, ce qui est normal, mais aussi spinoziste, ce qui est pratique pour notre problème de savoir si la philosophie peut prétendre à une quelconque universalité. Mais aussi : « Bergson a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Bergson, bergsonien et spinoziste. De même : « Leibniz a deux philosophies, la sienne et celle de Spinoza. »

Pour la suite, tenez-vous bien, « Platon a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Et bien sûr : « Spinoza a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Platon serait spinoziste même s’il a vécu 2000 ans avant Spinoza. Et Spinoza serait alors le seul philosophe à n’avoir qu’une seule philosophie. Est-ce à dire que le spinozisme est la « vraie » philosophie, par delà l’espace et le temps, et la « véracité » de la philosophie des autres se mesure au degré d’éloignement d’avec celle de Spinoza ; les autres philosophes demeurant des philosophes dans la mesure où, justement, ils adoptent la philosophie de Spinoza ?

Méfions-nous, je pense, du retour masqué du spectre de la pensée unique. Ne faisons pas de Spinoza, un pape de la philosophie, et de la philosophie un catholicisme, même réduit au spinozisme ! D’ailleurs, Bergson s’en défend quand il écrit à Jankélévitch, en 1928 : « Je crois vous avoir dit que je me sens toujours un peu chez moi quand je relis l’Ethique, et que j’en éprouve chaque fois de la surprise, la plupart de mes thèses paraissant être (et étant effectivement, dans ma pensée) à l’opposé du Spinozisme. »

Cependant, afin de ne pas sombrer dans le relativisme qui dit que les doctrines de tous les philosophe se valent, il faut retenir ce mot de Bergson : se sentir chez soi en lisant l’Ethique. Bergson détaille cette affirmation, quand il s’adresse à Brunschvicg : « Aristote avait bien dit que « nous ne devons pas nous attacher, hommes, à ce qui est humain, mortels, à ce qui meurt ; nous devons autant que cela est donné à l’homme, vivre en immortel ». Mais il était réservé à Spinoza de montrer que la connaissance intérieure de la vérité coïncide avec l’acte intemporel par lequel la vérité se pose, et de nous faire « sentir et éprouver notre éternité ». C’est pourquoi [j’ai beau m’être engagé], par [mes] réflexions personnelles, dans des voies différentes de celle que Spinoza a suivi : [je n’en demeure pas moins spinoziste], dans une certaine mesure, chaque fois que [je relis] l’Ethique, parce que [j’ai] l’impression nette que telle est exactement l’attitude où la philosophie doit se placer, telle est l’atmosphère où réellement le philosophe respire. En ce sens, on pourrait dire que tout philosophe a deux philosophies : etc. » L’Ethique, la maison des philosophes ; le spinozisme, l’atmosphère de la philosophie. Ce qui ne veut pas dire que les thèses de Spinoza sont aussi celles des autres philosophes.

mercredi 14 avril 2010

… et le cœur de Vecna.

Le nom de Vecna, qui serait un anagramme de celui de Jack Vance, le célèbre auteur de SF dont découle le système de magie de Donjons & Dragons, se trouve dans les règles de ce jeu au rayon des reliques et artefacts, sous la forme de « l’œil de Vecna » et de « la main de Vecna ».

Figure légendaire, Vecna s’est forgé une réputation de magiocrate tyrannique en devenant lui-même un mort-vivant parmi les plus redoutés : une liche. A l’issue d’un duel pour la suprématie avec son lieutenant Kas, Vecna disparut de la surface du monde ne laissant à la postérité que son œil et sa main. Ces reliques maudites confèrent de grands pouvoirs à leur porteur.

Il n’en fallait pas moins pour que l’imagination des fans de D&D s’enflamme afin de retracer l’histoire de l’épouvantable règne de Vecna. Je cite pour mémoire ces quelques éléments de biographie extraits du Œrth Journal 1, qui furent, en ce qui me concerne, l’étincelle qui mit le feu à ma propre imagination.

« Celene mobilisa une armée pour venir en aide à Galitholian. Bien qu’ils remportassent quelques victoires au début (…), ils battirent en retraite vers Celene, mais Vecna ne les poursuivit pas. Ses yeux restaient fixés à l’est. » Que s’est-il donc passé pour que ses yeux restent fixés à l’est ? Ce récit est paru pour la première fois sur canonfire.



Quand l’Empire Suel devint maléfique, n’ayant pas la sagesse des Elfes Gris desquels il tenait ses pouvoirs, il réduisit en esclavage les peuples barbares avoisinant. Ces peuplades furent contraintes à l’exode pour ne pas tomber sous la coupe de leurs oppresseurs. Les premiers à quitter leur patrie furent les Flanae : franchissant les Montagnes Crystalmist, ils parvinrent dans les terres qui devaient plus tard porter leur nom, les Flanaess.

Les premières tribus Flanae s’établirent librement dans la Vallée Sheldomar. Les tribus qui suivirent durent aller plus loin au nord et à l’est. Au-delà des Montagnes Lortmil, elles pénétrèrent dans les royaumes elfes. Highfolk leur fit bon accueil et les laissa passer. Les Flanae étaient adeptes de la Vieille Foi (druidisme) et cette religion était également à l’honneur chez les elfes.

Les Flanae ne furent pas les seuls à quitter l’Empire Suel en ces temps lointains, certaines maisons Suel étaient tout autant révoltées par le déclin moral de leur nation et choisirent l’exil (ou furent forcées à s’exiler par leurs despotes malfaisants). C’est ainsi qu’un petit clan Suel traversa les montagnes, mais n’ayant pas les talents pour survivre dans la nature ni ceux pour combattre les monstres, il fut complètement décimé après son arrivée dans les Flanaess – tous sauf un.

Un qui était une, car c’était une jeune femme noble. Elle fut secourue par une de ces tribus Flanae qui devaient passer les Montagnes Lortmil pour trouver des terres vierges. Elle ne fut pas tuée car elle avait en commun avec ses sauveteurs la nécessité de fuir la même tyrannie. En outre, elle avait la peau blanche et une chevelure d’or et elle était si belle que le Chef en fit une de ses épouses.

Durant la migration vers le nord, elle donna bien vite naissance à un fils : l’aîné de ce chef Flanae. Ce fils sera connu sous le nom de Vecna. Mais à ce moment, il reçut un nom Flanae qui est maintenant tombé dans l’oubli. Il fallut plusieurs années à cette tribu Flanae pour atteindre les Montagnes Lortmil, pour entrer et sortir du royaume elfe de Highfolk et enfin pour trouver un endroit au nord du Nyr Dyv, qui se trouvait alors sous la domination du royaume elfe d’Aliador.

Contrairement à Highfolk, le roi d’Aliador, Galitholian Glitterhelm, se méfiait des étrangers, et il exigea des garanties avant de laisser les Flanae occuper ses terres. Ainsi, des otages furent réclamés par la cour elfique, en tant que serviteurs, en échange du droit de s’établir dans le royaume. Les otages devaient être les premiers nés de chaque famille de la tribu. Ils étaient une quarantaine de jeunes gens, et Vecna était de leur nombre bien entendu. Il était âgé de douze ans quand il arriva à la capitale elfe, Erieadan, dans les Montagnes Griffs.

Les grandes familles nobles de la cité elfique reçurent un ou deux otages comme serviteurs. Elles les traitèrent bien, quelquefois en leur donnant même une éducation artistique ou scientifique. Vecna fut attribué à l’un des grands mages personnels du roi : un vieil elfe vivant reclus dans sa maison qui lui servait de laboratoire. Le mage était bon avec Vecna mais restait distant car il ne voyait en lui qu’une créature sauvage et éphémère.

Le jeune Vecna était fasciné par la merveilleuse cité et heureux de servir son nouveau maître dans ses recherches et ses études magiques. Le mage fut agréablement surpris de remarquer l’intérêt de Vecna et reconnut sa grande intelligence. Il lui appris à lire, à écrire et d’autres choses encore. Quelquefois il retrouvait Vecna, au beau milieu de la nuit, en train de lire les livres de sa vaste bibliothèque. C’est de là que vint son nom actuel, car « Vecna » est le mot elfe qui veut dire « curieux » ou « assoiffé de connaissance ».

Arriva le moment où Vecna demanda à son maître de lui enseigner la magie. Après de longues considérations, le mage finit par accepter avec l’assentiment du roi. Vecna se révéla être un apprenti magicien doué et son mentor en fut très impressionné. Mais un jour, quand Vecna eut seize ans, quelque chose arriva.

Demeurant pour autant le serviteur du mage, Vecna devait s’acquitter des tâches domestiques, comme celle d’ouvrir la porte aux visiteurs. Un jour, il ouvrit la porte à quelqu’un qui venait d’y frapper. La personne qui attendait derrière la porte était une jeune fille elfe venant apporter au mage un petit travail magique pour le compte de son père. Vecna n’avait jamais vu pareille beauté. Elle lui sourit et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la première fois.

Elle revint régulièrement à la maison du mage pour les mêmes raisons (les besoins de son père en matière de magie) et à chaque fois, Vecna était là pour lui ouvrir la porte. Naturellement, il était en train de tomber amoureux d’elle. Il ne lui fallut pas longtemps pour découvrir qui elle était : la fille de Galitholian, princesse d’Aliador. Vecna comprit qu’il lui serait extrêmement difficile de la voir plus souvent et plus longuement, à moins qu’il ne se fasse accepter dans les écoles qu’elle fréquentait.

Vecna était bien un génie et, motivé par son amour, il réussit à être le premier humain à intégrer une école de magie elfique. Les années qui suivirent furent les plus heureuses que Vecna n’ait jamais vécues. Il pouvait voir la princesse presque tous les jours dans la salle de classe. Parfois, ils devaient tous les deux étudier le même sortilège, et la princesse lui demandait de lui expliquer ses subtilités. Vecna ne fut jamais aussi proche d’elle. Il tenta de lui faire connaître ses sentiments, mais la princesse lui fit comprendre que cela n’était pas possible, en partie parce que les humains avaient une durée de vie trop courte.

C’est alors que Vecna commença à chercher des moyens magiques pour prolonger son temps de vie. Ses investigations le conduisirent du côté obscur de la magie, et il se mit à compulser secrètement de vieux grimoires traitant de nécromancie. Il réalisa que pour vivre aussi longtemps qu’un elfe, il devait d’abord mourir et renaître une seconde fois sous la forme d’un mort-vivant autonome. De prime abord, il repoussa cette idée et sombra dans le désespoir. Mais sa passion était si forte qu’il ne pouvait pas non plus supporter la pensée de vivre sans la princesse. Vecna exhuma alors un livre perdu dans les recoins des bibliothèques elfiques, un livre Suel, « Le destin de Tilorop », qui décrivait la façon de devenir une liche.

Les années passèrent, Vecna devint mélancolique et la raison en fut découverte par certains des amis intimes de la princesse. Ceux-ci se moquèrent de lui et Vecna se mit en colère. C’est alors qu’advint le jour où les fiançailles de la princesse avec un prince elfe furent annoncées dans tout Erieadan, et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la seconde fois.

Au même moment, des messagers de sa tribu Flanae arrivèrent dans la capitale elfe avec de mauvaises nouvelles : le père de Vecna était tombé malade et ses jours étaient comptés. Vecna demanda au roi la permission de retourner chez lui. Le roi lui accorda cette permission, d’autant plus facilement qu’il lui était venu aux oreilles les échos de ses sentiments pour sa fille : il se félicitait de le voir s’éloigner d’elle. Vecna se jura qu’il reviendrait pour la princesse. Il prit avec lui son livre de sorts et, secrètement, « Le destin de Tilorop ».

Vecna arriva juste avant que son père ne meure, celui-ci eut le temps de lui révéler qu’il n’était pas en fait son père de sang. Sa mère était déjà enceinte quand elle fut secourue par la tribu Flanae. Le père génétique de Vecna était le chef du groupe de réfugiés Suel. Vecna était un Suel de sang pur. Sa mère lui confirma toute l’histoire, disant qu’elle était reconnaissante au chef mais ne lui avait pas dit la vérité à l’époque. Toutefois, le chef nourrissait de sérieux doutes. Vecna avait la peau vraiment pâle, et les cheveux blonds. De plus, le chef avait choisi l’un de ses autres fils, celui d’une autre épouse, pour lui succéder.

Les émissaires elfes qui vinrent assister aux funérailles du chef annoncèrent à Vecna que le roi le libérait de son statut d’otage et lui souhaitait de devenir un bon chef pour son peuple. Vecna compris aussitôt pourquoi le roi ne voulait pas le voir revenir dans la cité elfe, et cela le rendit fou de rage et de frustration. Il saisit aussi pleinement, dès lors, le pouvoir que l’on pouvait tirer des secrets bien gardés.

Quelques jours après cet événement, Vecna fut contacté par des membres de la secte des Ur-Flanae. Les Ur-Flanae voyaient en lui un potentiel qui pouvait faire avancer leur cause. Vecna vit en eux le moyen de réaliser son plus cher désir : retourner à Erieadan et enlever la princesse. Cela ne pouvait se faire que par la force et il lui fallait une armée. Vecna tua le nouveau chef de sa tribu Flanae, pris le contrôle de son peuple adoptif avec l’aide des Ur-Flanae. Il érigea une tour noire au milieu du lac Nyr Dyv et commença à bâtir son empire.

Vecna masqua sa présence aux yeux des elfes en utilisant la magie. Il étudia « Le destin de Tilorop » et se mit à conduire des expériences avec ses Ur-Flanae sur la création de morts-vivants. Vecna perfectionna la technique requise pour devenir une liche. Il s’engagea alors sur la voie de Tilorop. Il concocta la potion de liche, il l’a bue et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la troisième (et dernière) fois.

Le reste est de l’histoire connue. Vecna recruta des goblinoïdes des plaines du nord. Il corrompit et asservit son peuple, et, grâce à un plan de procréation, eut bientôt une armée dont les effectifs dépassaient largement ceux des elfes de l’est. Vecna forgea l’épée qu’il donna ensuite à Kas.

Vecna marcha contre Galitholian, en ramenant ses soldats tombés sur le champ de bataille sous la forme de morts-vivants. Implacablement, son alliance de goblinoïdes, de morts-vivants et de Flanae repoussait les elfes jusque dans leurs forteresses des montagnes. Les forces de Galitholian furent chassées d’un coup fulgurant des plaines à l’ouest des montagnes Griffs. Les forces de Vecna se répandirent dans les plaines à l’est et au nord du Nyr Dyv, et elles se déployèrent jusqu’aux pieds des montagnes Griffs.

Celene (un royaume elfe de l’ouest) mobilisa une armée pour venir en aide à Galitholian. Bien qu’ils remportassent quelques victoires au début en prenant Vecna en tenailles, celui-ci fit appel aux pouvoirs des Ur-Flanae et invoqua une conflagration magique qui fut la cause du désert étincelant. Les pertes furent nombreuses et l’armée elfe fut prise de panique. Ils battirent en retraite vers Celene, mais Vecna ne les poursuivit pas. Ses yeux restaient fixés à l’est.

La première cité elfe des montagnes tomba aux mains des armées de Vecna. Cela inaugura la guerre de 400 ans. Les armées de Galitholian reculaient inexorablement devant l’avancée de Vecna, aucune aide ne parvint à Galitholian. Les armées de Vecna conquirent toutes les cités elfes des montagnes Griffs sauf cinq. Galitholian conduisit l’armée de sa capitale au combat. Il contre-attaqua Vecna et le repoussa hors des montagnes. Mais une fois dans les plaines, Vecna dévoila sa nouvelle arme, une épée noire forgée d’un minerai tombé des étoiles. Vecna affronta Galitholian en combat singulier et le tua.

L’armée de Vecna put alors exterminer les elfes, et repris l’assaut des montagnes. Il occupa et saccagea les cités elfiques, les refaçonnant à son image. Quatre cités, cependant, dont la Cités des Etoiles d’Eté, ne furent pas retrouvées. La capitale, Erieadan, le sommet de l’architecture des Elfes Gris et de leur pouvoir, fut complètement rasée. Ainsi périt le royaume elfe d’Aliador et le trône du grand roi. Pourtant, Vecna ne retrouva jamais la princesse ; elle avait fui en lieux sûrs et il fut incapable de découvrir où. Ce fut sans doute l’unique secret à jamais resté hors de sa portée.

La question de la réponse

Quand on a trouvé sa question, c’est déjà très bien. Alors la réponse, on n’est pas obligé de la trouver. J’estime que la question est plus importante que la réponse, car une bonne question a bien plus d’effets sur l’esprit (elle est plus féconde) qu’une réponse qui le stérilise. Si bien que la meilleure réponse à une question est… une autre question. Une nouvelle question plus intéressante. Le tout est de trouver LA question autour de laquelle gravite notre pensée.

Les bouddhistes zen utilisent cette méthode pour libérer l’esprit. Le maître donne une question à son disciple afin qu’il la médite ; par exemple : « qu’est ce que ce morceau de bambou, si ce n’est pas un morceau de bambou ? » Le disciple peut mettre des années avant de trouver la réponse. Mais, l’important n’est pas la réponse, le but est de trouver l’illumination. La question a pour but de nous faire faire de l’exercice. De nous faire penser.

J’ai le souvenir aussi d’une fameuse réponse donnée par Umberto Eco à la question philosophique entre toutes : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». C’était lors de l’émission de télé Apostrophe de Bernard Pivot. Eco annonça qu’il allait donner la réponse à cette question – on se disait : oui, il a lu tous les livres alors il doit bien le savoir… Il disait que c’était la seule réponse acceptable, alors après un moment de suspens, il nous révéla : « la réponse est : pourquoi oui ? »

Voilà, un jour, vous tombez sur une question, et elle ne vous lâche plus, ou plutôt, vous ne la lâcherez plus parce que vous sentez bien qu’il est important de la poser. Vous vous posez dessus et vous regardez ce qui se passe autour. Et aucune réponse ne vous en fera descendre. Alors, moi je me demande « pourquoi des individus ? ». C’est aussi pour remettre en question les idées reçues sur l’individu et sur le dogmatisme de l’individualisme contemporain.

mardi 13 avril 2010

Eloge de Donjons & Dragons

Le charme de Donjons & Dragons réside dans un « je ne sais quoi » impossible à définir si ce n’est par cette expression de « nulle part impossible ».

« Nulle part » car le jeu, dénué de plateau, ne se situe pas dans un cadre géographique, historique ou culturel préexistant. Il y a des sources d’inspiration, comme Tolkien, mais l’aventure peut très bien s’affranchir d’un arrière monde, même si celui-ci finit par faire son retour. Le simulationnisme n’a pas de référent clairement défini : et des robots peuvent côtoyer des dinosaures…

« Impossible » parce que la plupart des situations simulées sont au mieux irréalistes (des robots chevauchant des dinosaures) et dans le pire des cas complètement absurdes (des dinosaures chevauchant des robots ?). On obtient ce résultat par le télescopage entre la figuration de l’histoire (tendance narrativiste) et l’arsenal des règles (tendance ludiste).

Et pourtant D&D est sans doute le meilleur jeu du monde et de tous les temps ; de plus c’est un jeu vraiment magique au sens propre, si tant est qu’on accorde une puissance magique ou miraculeuse au langage. C’est ce qui me fait dire que D&D n’est pas un jeu de rôle, mais avant tout un jeu de parole. Autrement dit, le langage « met en forme le monde » de D&D.

Lacan dit que l’inconscient est structuré comme un langage ; on pourrait en dire autant de D&D. Il est structuré comme un langage, c’est une véritable langue, qui, non seulement n’est pas morte, mais encore qui est magique : D&D a le pouvoir de création ex nihilo. C’est ainsi que le « nulle-part impossible » évoqué au début peut devenir un « rêve réalisé ».

Comme toutes les langues, D&D a ses pratiquants, ses écoles, ses dictionnaires, ses érudits, ses exégètes et ses poètes. La seule différence avec une langue ordinaire, c’est que ce dont elle parle n’existe pas avant qu’elle commence à en parler : le référent (ou le signifié) est virtuel et il s’actualise uniquement lors de l’élocution. Autrement dit, le discours crée ce dont il parle et il ne renvoie pas à quelque chose en dehors de lui. La merveille de D&D est que le signifiant et le signifié sont une seule et même chose.

La ressemblance avec la parole magique est donc la suivante : pour un magicien la parole a une force exécutoire ; pour les joueurs de D&D, dès qu’ils se réunissent et commencent à parler, le miracle s’accomplit : les voilà partis dans le monde de D&D. Ils en reviendront avec le souvenir de ce qui s’est réellement (?) passé.

D&D ne gagne rien à être traduit en langue vulgaire (ou bien, si vous préférez, à être converti en une histoire, un roman, voire en un film de cinéma ! le rêve de la tendance narrativiste). En effet, ne faisant que référence à lui-même, D&D n’est pas une traduction d’un autre monde – même imaginaire. Les joueurs ne simulent pas une réalité, ils n’interprètent pas un rôle dans une histoire, mais ils réalisent une virtualité. – C’est aussi un jeu et la tension ludique se satisfait dans l’incertitude du hasard mis en place dans les règles avec les dés. – D&D ne serait plus un jeu s’il s’abîmait dans le roman : « chevalier bonheur était né sous une bonne étoile, l’épée qu’il avait exhumée d’une tombe d’un roi des anciens temps pouvait lui permettre d’affronter la bête féroce… » Le joueur de D&D dira : « après avoir réussi mon JP contre les souffles de dragon, j’ai sorti mon épée +2, +3 contre les lycanthropes et j’ai fait un « 20 » naturel ! ».

Où est la poésie me demanderez-vous ? (je serai tenté de vous dire que la poésie se trouve dans les livres de poésie) S’il y a un plaisir esthétique dans D&D, il ne faut pas le chercher là où on n’a aucune chance de le trouver. Le plaisir est celui de jouer avec un groupe d’amis et l’esthétique vient de la satisfaction d’avoir créé quelque chose ensemble.

Le phénomène « jeu de rôle » est maintenant largement présent dans l’espace culturel, du moins sous ses formes dérivées, livres, films et jeux vidéo. Donjons & Dragons en est la figure de proue. Ce jeu a pour lui d’être le premier commercialisé (1974). Mais le temps passé ne fait-il pas de D&D un « vieux jeu » (au sens « ringard » aussi) ? Tout dans D&D n’est pas archaïque, une fois mis de côté ses imitateurs, ses successeurs, perfectionneurs et ses secondes (troisième et quatrième) éditions révisionnistes. Cet article aura atteint son but s’il pouvait donner au lecteur une idée de son originalité.

D&D a aussi pour lui d’avoir été la vision d’un homme, Gary Gygax. Il y a une unité d’esprit dans ce jeu qui vient de son créateur et cela devrait retenir notre attention. A oublier cet aspect fondamental, on transforme ce jeu supérieur en sa détestable parodie : salles + monstres + trésors (le cauchemar engendré par la tendance ludiste). Or si nous retrouvions l’esprit de Gary Gygax, nous aurions avec D&D un jeu qui vaut autant sinon plus que tous les jeux actuels.

Donjons & Dragons paraîtra un peu fade à tous ceux qui le prennent tel qu’il est, sans fournir l’effort sans lequel il n’est qu’une coquille vide. Est nécessaire un effort de création par l’imagination, et cet effort, toutes les règles du monde ne sauraient le fournir à votre place.

Cet article est la reprise corrigée et actualisée d’un texte écrit pour les Disciples de Gunzo. Pour l’éloge de Gary Gygax, je vous renvoie aux Sept étapes de Gygax, traduites par snorri.

lundi 12 avril 2010

Pourquoi des individus ?

Telle est la question qui me turlupine depuis l’adolescence. Je crois qu’on a tous comme ça une petite question qu’on porte en soi et qui ne nous lâche pas. Soit on s’y intéresse, soit on l’ignore, mais nous sommes là pour la poser, à la manière des enfants qui interroge naïvement les adultes. A nous, aussi, de voir si nous devons en chercher la réponse.

Mon ancien camarade de khâgne, D. Lucien P., m’avait confié un jour la sienne : « d’où vient le sens ? » Afin d’y répondre, il était parti de l’œuvre inachevée de Camus et chemine aujourd’hui en compagnie de Wittgenstein. D’où vient le sens ? Pas des mots, en tout cas, m’avait-il dit…

Je me souviens avoir posé ma question, pour la première fois, quand j’avais 17 ans, lors d’une sorte de réunion pastorale en marge de la vie du lycée. Je l’avais alors formulée ainsi : « pourquoi Dieu a-t-il créé des individus ? (j’avais l’excuse de la jeunesse) – parce qu’Il se sentait seul. » me répondit spirituellement l’homme d’église, et on était passé à autre chose.

Non seulement, la réponse me parut à côté de la plaque tout en donnant une certaine image de Dieu, mais encore elle me dégoûta profondément de dialoguer avec des croyants. Au moins je savais dans quelle direction je ne devais pas aller. Par la suite, je découvris que les philosophes avaient des réponses beaucoup plus intéressantes à cette question.

Si ça vous intéresse aussi, je vous en reparlerai ici…

samedi 10 avril 2010

Good Ol'Toine est sur la toile !

Voilà, c'est fait ! Cédant à d'insistantes pressions de mon entourage, j'ai créé un blog. Je vais donc pouvoir écrire ce que je pense ; vous allez donc pouvoir lire ce que j'écris.

Si ce que vous lirez ici vous donne envie d'aller lire des livres, et bien, je pourrais me dire que ce petit blog a fait du bon travail.