mardi 27 avril 2010

Galliskinmaufrius, le nom du je

J’ai inventé le nom Galliskinmaufrius comme un mot-valise en télescopant deux mots qui se suivaient dans mon dictionnaire d’anglais : galligaskins et gallimaufry. Je ne savais pas du tout ce que voulaient dire ces mots, mais leur sonorité m’avait plu. Une petite recherche d’étymologie révèle que ces deux mots anglais sont d’origine française.

Galligaskins : 1. haut-de-chausses larges ou braies portées aux XVIème et XVIIème siècles. 2. pantalon lâche. 3. « tuyau de poêle » ou bas, habituellement en cuir. Leggings.
Origine (1570) : provient du mot « gallogascaines » ou « galigascons » d’origine obscure. Sans doute une déformation de galley et Gascon devenu plus tard Gaskin. Vient du mot français « garguesques » – grecques – issu de l’espagnol « greguescos » ou de l’italien « grechesco », tous deux du latin « graecus » – grec – confondu plus tard avec la Gascogne (longtemps occupée par les rois d’Angleterre).

Gallimaufry : 1. un assortiment de plusieurs viandes cuites en sauce, un ragoût. 2. un mélange absurde et confus, salmigondis, pot-pourri, collection de choses diverses et sans rapport entre elles.
Origine (1550) : vient du mot français « galimafrée » signifiant sauce ou ragoût, lui-même étant l’amalgame du verbe « galer » – s’amuser, se réjouir – et du verbe « mafrer » (dialecte picard provenant du hollandais « maffelen » – ouvrir grand la bouche) – ingurgiter, s’empiffrer.

Galliskinmaufrius est donc, onomastiquement délirant, un personnage vêtu de braies en cuir à la grecque, et qui, bon vivant, se régale sans retenue de diverses daubes aux vins de Gascogne. Un D’Artagnan apparenté à Gargantua. Sympathique.

lundi 26 avril 2010

Tout philosophe a deux philosophies


Y a-t-il une philosophie ou bien autant de philosophies que de philosophes ? Sur l’unicité de la philosophie plane le spectre de la pensée unique avec ses censeurs qui peuvent aussi bien accréditer ou exclure les philosophes selon qu’ils sont dans la ligne ou au delà. Sous la pluralité des philosophies grouille la divergence des opinions avec son relativisme qui, en accordant à toutes les pensées la même valeur, la retire absolument à toute la philosophie.

Henri Bergson prend position sur la question en donnant une sorte de repère pour que l’on s’y retrouve. Il écrit à Léon Brunschvicg, en 1927, que « tout philosophe a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Ainsi, il y aurait un centre de gravité du monde philosophique, une étoile polaire du ciel des philosophes, et ce point central a un nom : Spinoza. Le spinozisme comme facteur d’unification de la philosophie malgré toutes les différences et les divergences des philosophes particuliers.

Prenons Bergson au mot et tirons des conclusions : par exemple, « Wittgenstein a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Wittgenstein est wittgensteinien, ce qui est normal, mais aussi spinoziste, ce qui est pratique pour notre problème de savoir si la philosophie peut prétendre à une quelconque universalité. Mais aussi : « Bergson a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Bergson, bergsonien et spinoziste. De même : « Leibniz a deux philosophies, la sienne et celle de Spinoza. »

Pour la suite, tenez-vous bien, « Platon a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Et bien sûr : « Spinoza a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza. » Platon serait spinoziste même s’il a vécu 2000 ans avant Spinoza. Et Spinoza serait alors le seul philosophe à n’avoir qu’une seule philosophie. Est-ce à dire que le spinozisme est la « vraie » philosophie, par delà l’espace et le temps, et la « véracité » de la philosophie des autres se mesure au degré d’éloignement d’avec celle de Spinoza ; les autres philosophes demeurant des philosophes dans la mesure où, justement, ils adoptent la philosophie de Spinoza ?

Méfions-nous, je pense, du retour masqué du spectre de la pensée unique. Ne faisons pas de Spinoza, un pape de la philosophie, et de la philosophie un catholicisme, même réduit au spinozisme ! D’ailleurs, Bergson s’en défend quand il écrit à Jankélévitch, en 1928 : « Je crois vous avoir dit que je me sens toujours un peu chez moi quand je relis l’Ethique, et que j’en éprouve chaque fois de la surprise, la plupart de mes thèses paraissant être (et étant effectivement, dans ma pensée) à l’opposé du Spinozisme. »

Cependant, afin de ne pas sombrer dans le relativisme qui dit que les doctrines de tous les philosophe se valent, il faut retenir ce mot de Bergson : se sentir chez soi en lisant l’Ethique. Bergson détaille cette affirmation, quand il s’adresse à Brunschvicg : « Aristote avait bien dit que « nous ne devons pas nous attacher, hommes, à ce qui est humain, mortels, à ce qui meurt ; nous devons autant que cela est donné à l’homme, vivre en immortel ». Mais il était réservé à Spinoza de montrer que la connaissance intérieure de la vérité coïncide avec l’acte intemporel par lequel la vérité se pose, et de nous faire « sentir et éprouver notre éternité ». C’est pourquoi [j’ai beau m’être engagé], par [mes] réflexions personnelles, dans des voies différentes de celle que Spinoza a suivi : [je n’en demeure pas moins spinoziste], dans une certaine mesure, chaque fois que [je relis] l’Ethique, parce que [j’ai] l’impression nette que telle est exactement l’attitude où la philosophie doit se placer, telle est l’atmosphère où réellement le philosophe respire. En ce sens, on pourrait dire que tout philosophe a deux philosophies : etc. » L’Ethique, la maison des philosophes ; le spinozisme, l’atmosphère de la philosophie. Ce qui ne veut pas dire que les thèses de Spinoza sont aussi celles des autres philosophes.

mercredi 14 avril 2010

… et le cœur de Vecna.

Le nom de Vecna, qui serait un anagramme de celui de Jack Vance, le célèbre auteur de SF dont découle le système de magie de Donjons & Dragons, se trouve dans les règles de ce jeu au rayon des reliques et artefacts, sous la forme de « l’œil de Vecna » et de « la main de Vecna ».

Figure légendaire, Vecna s’est forgé une réputation de magiocrate tyrannique en devenant lui-même un mort-vivant parmi les plus redoutés : une liche. A l’issue d’un duel pour la suprématie avec son lieutenant Kas, Vecna disparut de la surface du monde ne laissant à la postérité que son œil et sa main. Ces reliques maudites confèrent de grands pouvoirs à leur porteur.

Il n’en fallait pas moins pour que l’imagination des fans de D&D s’enflamme afin de retracer l’histoire de l’épouvantable règne de Vecna. Je cite pour mémoire ces quelques éléments de biographie extraits du Œrth Journal 1, qui furent, en ce qui me concerne, l’étincelle qui mit le feu à ma propre imagination.

« Celene mobilisa une armée pour venir en aide à Galitholian. Bien qu’ils remportassent quelques victoires au début (…), ils battirent en retraite vers Celene, mais Vecna ne les poursuivit pas. Ses yeux restaient fixés à l’est. » Que s’est-il donc passé pour que ses yeux restent fixés à l’est ? Ce récit est paru pour la première fois sur canonfire.



Quand l’Empire Suel devint maléfique, n’ayant pas la sagesse des Elfes Gris desquels il tenait ses pouvoirs, il réduisit en esclavage les peuples barbares avoisinant. Ces peuplades furent contraintes à l’exode pour ne pas tomber sous la coupe de leurs oppresseurs. Les premiers à quitter leur patrie furent les Flanae : franchissant les Montagnes Crystalmist, ils parvinrent dans les terres qui devaient plus tard porter leur nom, les Flanaess.

Les premières tribus Flanae s’établirent librement dans la Vallée Sheldomar. Les tribus qui suivirent durent aller plus loin au nord et à l’est. Au-delà des Montagnes Lortmil, elles pénétrèrent dans les royaumes elfes. Highfolk leur fit bon accueil et les laissa passer. Les Flanae étaient adeptes de la Vieille Foi (druidisme) et cette religion était également à l’honneur chez les elfes.

Les Flanae ne furent pas les seuls à quitter l’Empire Suel en ces temps lointains, certaines maisons Suel étaient tout autant révoltées par le déclin moral de leur nation et choisirent l’exil (ou furent forcées à s’exiler par leurs despotes malfaisants). C’est ainsi qu’un petit clan Suel traversa les montagnes, mais n’ayant pas les talents pour survivre dans la nature ni ceux pour combattre les monstres, il fut complètement décimé après son arrivée dans les Flanaess – tous sauf un.

Un qui était une, car c’était une jeune femme noble. Elle fut secourue par une de ces tribus Flanae qui devaient passer les Montagnes Lortmil pour trouver des terres vierges. Elle ne fut pas tuée car elle avait en commun avec ses sauveteurs la nécessité de fuir la même tyrannie. En outre, elle avait la peau blanche et une chevelure d’or et elle était si belle que le Chef en fit une de ses épouses.

Durant la migration vers le nord, elle donna bien vite naissance à un fils : l’aîné de ce chef Flanae. Ce fils sera connu sous le nom de Vecna. Mais à ce moment, il reçut un nom Flanae qui est maintenant tombé dans l’oubli. Il fallut plusieurs années à cette tribu Flanae pour atteindre les Montagnes Lortmil, pour entrer et sortir du royaume elfe de Highfolk et enfin pour trouver un endroit au nord du Nyr Dyv, qui se trouvait alors sous la domination du royaume elfe d’Aliador.

Contrairement à Highfolk, le roi d’Aliador, Galitholian Glitterhelm, se méfiait des étrangers, et il exigea des garanties avant de laisser les Flanae occuper ses terres. Ainsi, des otages furent réclamés par la cour elfique, en tant que serviteurs, en échange du droit de s’établir dans le royaume. Les otages devaient être les premiers nés de chaque famille de la tribu. Ils étaient une quarantaine de jeunes gens, et Vecna était de leur nombre bien entendu. Il était âgé de douze ans quand il arriva à la capitale elfe, Erieadan, dans les Montagnes Griffs.

Les grandes familles nobles de la cité elfique reçurent un ou deux otages comme serviteurs. Elles les traitèrent bien, quelquefois en leur donnant même une éducation artistique ou scientifique. Vecna fut attribué à l’un des grands mages personnels du roi : un vieil elfe vivant reclus dans sa maison qui lui servait de laboratoire. Le mage était bon avec Vecna mais restait distant car il ne voyait en lui qu’une créature sauvage et éphémère.

Le jeune Vecna était fasciné par la merveilleuse cité et heureux de servir son nouveau maître dans ses recherches et ses études magiques. Le mage fut agréablement surpris de remarquer l’intérêt de Vecna et reconnut sa grande intelligence. Il lui appris à lire, à écrire et d’autres choses encore. Quelquefois il retrouvait Vecna, au beau milieu de la nuit, en train de lire les livres de sa vaste bibliothèque. C’est de là que vint son nom actuel, car « Vecna » est le mot elfe qui veut dire « curieux » ou « assoiffé de connaissance ».

Arriva le moment où Vecna demanda à son maître de lui enseigner la magie. Après de longues considérations, le mage finit par accepter avec l’assentiment du roi. Vecna se révéla être un apprenti magicien doué et son mentor en fut très impressionné. Mais un jour, quand Vecna eut seize ans, quelque chose arriva.

Demeurant pour autant le serviteur du mage, Vecna devait s’acquitter des tâches domestiques, comme celle d’ouvrir la porte aux visiteurs. Un jour, il ouvrit la porte à quelqu’un qui venait d’y frapper. La personne qui attendait derrière la porte était une jeune fille elfe venant apporter au mage un petit travail magique pour le compte de son père. Vecna n’avait jamais vu pareille beauté. Elle lui sourit et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la première fois.

Elle revint régulièrement à la maison du mage pour les mêmes raisons (les besoins de son père en matière de magie) et à chaque fois, Vecna était là pour lui ouvrir la porte. Naturellement, il était en train de tomber amoureux d’elle. Il ne lui fallut pas longtemps pour découvrir qui elle était : la fille de Galitholian, princesse d’Aliador. Vecna comprit qu’il lui serait extrêmement difficile de la voir plus souvent et plus longuement, à moins qu’il ne se fasse accepter dans les écoles qu’elle fréquentait.

Vecna était bien un génie et, motivé par son amour, il réussit à être le premier humain à intégrer une école de magie elfique. Les années qui suivirent furent les plus heureuses que Vecna n’ait jamais vécues. Il pouvait voir la princesse presque tous les jours dans la salle de classe. Parfois, ils devaient tous les deux étudier le même sortilège, et la princesse lui demandait de lui expliquer ses subtilités. Vecna ne fut jamais aussi proche d’elle. Il tenta de lui faire connaître ses sentiments, mais la princesse lui fit comprendre que cela n’était pas possible, en partie parce que les humains avaient une durée de vie trop courte.

C’est alors que Vecna commença à chercher des moyens magiques pour prolonger son temps de vie. Ses investigations le conduisirent du côté obscur de la magie, et il se mit à compulser secrètement de vieux grimoires traitant de nécromancie. Il réalisa que pour vivre aussi longtemps qu’un elfe, il devait d’abord mourir et renaître une seconde fois sous la forme d’un mort-vivant autonome. De prime abord, il repoussa cette idée et sombra dans le désespoir. Mais sa passion était si forte qu’il ne pouvait pas non plus supporter la pensée de vivre sans la princesse. Vecna exhuma alors un livre perdu dans les recoins des bibliothèques elfiques, un livre Suel, « Le destin de Tilorop », qui décrivait la façon de devenir une liche.

Les années passèrent, Vecna devint mélancolique et la raison en fut découverte par certains des amis intimes de la princesse. Ceux-ci se moquèrent de lui et Vecna se mit en colère. C’est alors qu’advint le jour où les fiançailles de la princesse avec un prince elfe furent annoncées dans tout Erieadan, et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la seconde fois.

Au même moment, des messagers de sa tribu Flanae arrivèrent dans la capitale elfe avec de mauvaises nouvelles : le père de Vecna était tombé malade et ses jours étaient comptés. Vecna demanda au roi la permission de retourner chez lui. Le roi lui accorda cette permission, d’autant plus facilement qu’il lui était venu aux oreilles les échos de ses sentiments pour sa fille : il se félicitait de le voir s’éloigner d’elle. Vecna se jura qu’il reviendrait pour la princesse. Il prit avec lui son livre de sorts et, secrètement, « Le destin de Tilorop ».

Vecna arriva juste avant que son père ne meure, celui-ci eut le temps de lui révéler qu’il n’était pas en fait son père de sang. Sa mère était déjà enceinte quand elle fut secourue par la tribu Flanae. Le père génétique de Vecna était le chef du groupe de réfugiés Suel. Vecna était un Suel de sang pur. Sa mère lui confirma toute l’histoire, disant qu’elle était reconnaissante au chef mais ne lui avait pas dit la vérité à l’époque. Toutefois, le chef nourrissait de sérieux doutes. Vecna avait la peau vraiment pâle, et les cheveux blonds. De plus, le chef avait choisi l’un de ses autres fils, celui d’une autre épouse, pour lui succéder.

Les émissaires elfes qui vinrent assister aux funérailles du chef annoncèrent à Vecna que le roi le libérait de son statut d’otage et lui souhaitait de devenir un bon chef pour son peuple. Vecna compris aussitôt pourquoi le roi ne voulait pas le voir revenir dans la cité elfe, et cela le rendit fou de rage et de frustration. Il saisit aussi pleinement, dès lors, le pouvoir que l’on pouvait tirer des secrets bien gardés.

Quelques jours après cet événement, Vecna fut contacté par des membres de la secte des Ur-Flanae. Les Ur-Flanae voyaient en lui un potentiel qui pouvait faire avancer leur cause. Vecna vit en eux le moyen de réaliser son plus cher désir : retourner à Erieadan et enlever la princesse. Cela ne pouvait se faire que par la force et il lui fallait une armée. Vecna tua le nouveau chef de sa tribu Flanae, pris le contrôle de son peuple adoptif avec l’aide des Ur-Flanae. Il érigea une tour noire au milieu du lac Nyr Dyv et commença à bâtir son empire.

Vecna masqua sa présence aux yeux des elfes en utilisant la magie. Il étudia « Le destin de Tilorop » et se mit à conduire des expériences avec ses Ur-Flanae sur la création de morts-vivants. Vecna perfectionna la technique requise pour devenir une liche. Il s’engagea alors sur la voie de Tilorop. Il concocta la potion de liche, il l’a bue et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la troisième (et dernière) fois.

Le reste est de l’histoire connue. Vecna recruta des goblinoïdes des plaines du nord. Il corrompit et asservit son peuple, et, grâce à un plan de procréation, eut bientôt une armée dont les effectifs dépassaient largement ceux des elfes de l’est. Vecna forgea l’épée qu’il donna ensuite à Kas.

Vecna marcha contre Galitholian, en ramenant ses soldats tombés sur le champ de bataille sous la forme de morts-vivants. Implacablement, son alliance de goblinoïdes, de morts-vivants et de Flanae repoussait les elfes jusque dans leurs forteresses des montagnes. Les forces de Galitholian furent chassées d’un coup fulgurant des plaines à l’ouest des montagnes Griffs. Les forces de Vecna se répandirent dans les plaines à l’est et au nord du Nyr Dyv, et elles se déployèrent jusqu’aux pieds des montagnes Griffs.

Celene (un royaume elfe de l’ouest) mobilisa une armée pour venir en aide à Galitholian. Bien qu’ils remportassent quelques victoires au début en prenant Vecna en tenailles, celui-ci fit appel aux pouvoirs des Ur-Flanae et invoqua une conflagration magique qui fut la cause du désert étincelant. Les pertes furent nombreuses et l’armée elfe fut prise de panique. Ils battirent en retraite vers Celene, mais Vecna ne les poursuivit pas. Ses yeux restaient fixés à l’est.

La première cité elfe des montagnes tomba aux mains des armées de Vecna. Cela inaugura la guerre de 400 ans. Les armées de Galitholian reculaient inexorablement devant l’avancée de Vecna, aucune aide ne parvint à Galitholian. Les armées de Vecna conquirent toutes les cités elfes des montagnes Griffs sauf cinq. Galitholian conduisit l’armée de sa capitale au combat. Il contre-attaqua Vecna et le repoussa hors des montagnes. Mais une fois dans les plaines, Vecna dévoila sa nouvelle arme, une épée noire forgée d’un minerai tombé des étoiles. Vecna affronta Galitholian en combat singulier et le tua.

L’armée de Vecna put alors exterminer les elfes, et repris l’assaut des montagnes. Il occupa et saccagea les cités elfiques, les refaçonnant à son image. Quatre cités, cependant, dont la Cités des Etoiles d’Eté, ne furent pas retrouvées. La capitale, Erieadan, le sommet de l’architecture des Elfes Gris et de leur pouvoir, fut complètement rasée. Ainsi périt le royaume elfe d’Aliador et le trône du grand roi. Pourtant, Vecna ne retrouva jamais la princesse ; elle avait fui en lieux sûrs et il fut incapable de découvrir où. Ce fut sans doute l’unique secret à jamais resté hors de sa portée.

La question de la réponse

Quand on a trouvé sa question, c’est déjà très bien. Alors la réponse, on n’est pas obligé de la trouver. J’estime que la question est plus importante que la réponse, car une bonne question a bien plus d’effets sur l’esprit (elle est plus féconde) qu’une réponse qui le stérilise. Si bien que la meilleure réponse à une question est… une autre question. Une nouvelle question plus intéressante. Le tout est de trouver LA question autour de laquelle gravite notre pensée.

Les bouddhistes zen utilisent cette méthode pour libérer l’esprit. Le maître donne une question à son disciple afin qu’il la médite ; par exemple : « qu’est ce que ce morceau de bambou, si ce n’est pas un morceau de bambou ? » Le disciple peut mettre des années avant de trouver la réponse. Mais, l’important n’est pas la réponse, le but est de trouver l’illumination. La question a pour but de nous faire faire de l’exercice. De nous faire penser.

J’ai le souvenir aussi d’une fameuse réponse donnée par Umberto Eco à la question philosophique entre toutes : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». C’était lors de l’émission de télé Apostrophe de Bernard Pivot. Eco annonça qu’il allait donner la réponse à cette question – on se disait : oui, il a lu tous les livres alors il doit bien le savoir… Il disait que c’était la seule réponse acceptable, alors après un moment de suspens, il nous révéla : « la réponse est : pourquoi oui ? »

Voilà, un jour, vous tombez sur une question, et elle ne vous lâche plus, ou plutôt, vous ne la lâcherez plus parce que vous sentez bien qu’il est important de la poser. Vous vous posez dessus et vous regardez ce qui se passe autour. Et aucune réponse ne vous en fera descendre. Alors, moi je me demande « pourquoi des individus ? ». C’est aussi pour remettre en question les idées reçues sur l’individu et sur le dogmatisme de l’individualisme contemporain.

mardi 13 avril 2010

Eloge de Donjons & Dragons

Le charme de Donjons & Dragons réside dans un « je ne sais quoi » impossible à définir si ce n’est par cette expression de « nulle part impossible ».

« Nulle part » car le jeu, dénué de plateau, ne se situe pas dans un cadre géographique, historique ou culturel préexistant. Il y a des sources d’inspiration, comme Tolkien, mais l’aventure peut très bien s’affranchir d’un arrière monde, même si celui-ci finit par faire son retour. Le simulationnisme n’a pas de référent clairement défini : et des robots peuvent côtoyer des dinosaures…

« Impossible » parce que la plupart des situations simulées sont au mieux irréalistes (des robots chevauchant des dinosaures) et dans le pire des cas complètement absurdes (des dinosaures chevauchant des robots ?). On obtient ce résultat par le télescopage entre la figuration de l’histoire (tendance narrativiste) et l’arsenal des règles (tendance ludiste).

Et pourtant D&D est sans doute le meilleur jeu du monde et de tous les temps ; de plus c’est un jeu vraiment magique au sens propre, si tant est qu’on accorde une puissance magique ou miraculeuse au langage. C’est ce qui me fait dire que D&D n’est pas un jeu de rôle, mais avant tout un jeu de parole. Autrement dit, le langage « met en forme le monde » de D&D.

Lacan dit que l’inconscient est structuré comme un langage ; on pourrait en dire autant de D&D. Il est structuré comme un langage, c’est une véritable langue, qui, non seulement n’est pas morte, mais encore qui est magique : D&D a le pouvoir de création ex nihilo. C’est ainsi que le « nulle-part impossible » évoqué au début peut devenir un « rêve réalisé ».

Comme toutes les langues, D&D a ses pratiquants, ses écoles, ses dictionnaires, ses érudits, ses exégètes et ses poètes. La seule différence avec une langue ordinaire, c’est que ce dont elle parle n’existe pas avant qu’elle commence à en parler : le référent (ou le signifié) est virtuel et il s’actualise uniquement lors de l’élocution. Autrement dit, le discours crée ce dont il parle et il ne renvoie pas à quelque chose en dehors de lui. La merveille de D&D est que le signifiant et le signifié sont une seule et même chose.

La ressemblance avec la parole magique est donc la suivante : pour un magicien la parole a une force exécutoire ; pour les joueurs de D&D, dès qu’ils se réunissent et commencent à parler, le miracle s’accomplit : les voilà partis dans le monde de D&D. Ils en reviendront avec le souvenir de ce qui s’est réellement (?) passé.

D&D ne gagne rien à être traduit en langue vulgaire (ou bien, si vous préférez, à être converti en une histoire, un roman, voire en un film de cinéma ! le rêve de la tendance narrativiste). En effet, ne faisant que référence à lui-même, D&D n’est pas une traduction d’un autre monde – même imaginaire. Les joueurs ne simulent pas une réalité, ils n’interprètent pas un rôle dans une histoire, mais ils réalisent une virtualité. – C’est aussi un jeu et la tension ludique se satisfait dans l’incertitude du hasard mis en place dans les règles avec les dés. – D&D ne serait plus un jeu s’il s’abîmait dans le roman : « chevalier bonheur était né sous une bonne étoile, l’épée qu’il avait exhumée d’une tombe d’un roi des anciens temps pouvait lui permettre d’affronter la bête féroce… » Le joueur de D&D dira : « après avoir réussi mon JP contre les souffles de dragon, j’ai sorti mon épée +2, +3 contre les lycanthropes et j’ai fait un « 20 » naturel ! ».

Où est la poésie me demanderez-vous ? (je serai tenté de vous dire que la poésie se trouve dans les livres de poésie) S’il y a un plaisir esthétique dans D&D, il ne faut pas le chercher là où on n’a aucune chance de le trouver. Le plaisir est celui de jouer avec un groupe d’amis et l’esthétique vient de la satisfaction d’avoir créé quelque chose ensemble.

Le phénomène « jeu de rôle » est maintenant largement présent dans l’espace culturel, du moins sous ses formes dérivées, livres, films et jeux vidéo. Donjons & Dragons en est la figure de proue. Ce jeu a pour lui d’être le premier commercialisé (1974). Mais le temps passé ne fait-il pas de D&D un « vieux jeu » (au sens « ringard » aussi) ? Tout dans D&D n’est pas archaïque, une fois mis de côté ses imitateurs, ses successeurs, perfectionneurs et ses secondes (troisième et quatrième) éditions révisionnistes. Cet article aura atteint son but s’il pouvait donner au lecteur une idée de son originalité.

D&D a aussi pour lui d’avoir été la vision d’un homme, Gary Gygax. Il y a une unité d’esprit dans ce jeu qui vient de son créateur et cela devrait retenir notre attention. A oublier cet aspect fondamental, on transforme ce jeu supérieur en sa détestable parodie : salles + monstres + trésors (le cauchemar engendré par la tendance ludiste). Or si nous retrouvions l’esprit de Gary Gygax, nous aurions avec D&D un jeu qui vaut autant sinon plus que tous les jeux actuels.

Donjons & Dragons paraîtra un peu fade à tous ceux qui le prennent tel qu’il est, sans fournir l’effort sans lequel il n’est qu’une coquille vide. Est nécessaire un effort de création par l’imagination, et cet effort, toutes les règles du monde ne sauraient le fournir à votre place.

Cet article est la reprise corrigée et actualisée d’un texte écrit pour les Disciples de Gunzo. Pour l’éloge de Gary Gygax, je vous renvoie aux Sept étapes de Gygax, traduites par snorri.

lundi 12 avril 2010

Pourquoi des individus ?

Telle est la question qui me turlupine depuis l’adolescence. Je crois qu’on a tous comme ça une petite question qu’on porte en soi et qui ne nous lâche pas. Soit on s’y intéresse, soit on l’ignore, mais nous sommes là pour la poser, à la manière des enfants qui interroge naïvement les adultes. A nous, aussi, de voir si nous devons en chercher la réponse.

Mon ancien camarade de khâgne, D. Lucien P., m’avait confié un jour la sienne : « d’où vient le sens ? » Afin d’y répondre, il était parti de l’œuvre inachevée de Camus et chemine aujourd’hui en compagnie de Wittgenstein. D’où vient le sens ? Pas des mots, en tout cas, m’avait-il dit…

Je me souviens avoir posé ma question, pour la première fois, quand j’avais 17 ans, lors d’une sorte de réunion pastorale en marge de la vie du lycée. Je l’avais alors formulée ainsi : « pourquoi Dieu a-t-il créé des individus ? (j’avais l’excuse de la jeunesse) – parce qu’Il se sentait seul. » me répondit spirituellement l’homme d’église, et on était passé à autre chose.

Non seulement, la réponse me parut à côté de la plaque tout en donnant une certaine image de Dieu, mais encore elle me dégoûta profondément de dialoguer avec des croyants. Au moins je savais dans quelle direction je ne devais pas aller. Par la suite, je découvris que les philosophes avaient des réponses beaucoup plus intéressantes à cette question.

Si ça vous intéresse aussi, je vous en reparlerai ici…

samedi 10 avril 2010

Good Ol'Toine est sur la toile !

Voilà, c'est fait ! Cédant à d'insistantes pressions de mon entourage, j'ai créé un blog. Je vais donc pouvoir écrire ce que je pense ; vous allez donc pouvoir lire ce que j'écris.

Si ce que vous lirez ici vous donne envie d'aller lire des livres, et bien, je pourrais me dire que ce petit blog a fait du bon travail.