dimanche 21 novembre 2010

Histoire et géographie miyazakiennes

Voici un ouvrage permettant une prise de connaissance originale de toute l’œuvre de Hayao Miyazaki : son œuvre graphique (bande dessinée) et animée (séries et longs métrages). Il se divise en deux parties : une partie purement chronologique qui balaye l’œuvre en suivant l’ordre de création des mangas, une partie thématique qui analyse les motifs récurrents dans tous les films de Miyazaki.

La première partie est très utile pour appréhender l’étendue de l’œuvre de ce génie japonais, car tous ses dessins animés ne sont pas forcément accessibles au public européen, même si tous les longs métrages sont réédités en double coffret pour ces fêtes de fin d’année. On assiste à une création artistique sur une période de quarante ans (1970-2010) avec une étonnante unité dans la continuité.

La seconde partie est la plus intéressante car elle fait apparaître les thèmes transversaux qui sont présents dans tous les films. Les auteurs sont parvenus à tracer un schéma directeur identique à toutes les histoires racontées par Miyazaki. Ce schéma est basé sur l’universalité d’un voyage des personnages d’un lieu clos vers un autre lieu clos et qui passe par les obstacles que représentent la société, la civilisation et la nature.

La trame des histoires de Miyazaki se distinguent radicalement de celle que nous racontent les contes et mythes occidentaux (comme l’a révélé un Joseph Campbell, par exemple). Et cela nous permet de découvrir ce point de vue typiquement japonais. Voici quelques points remarquables :

1) Il n’y a pas un héros de l’histoire, comme dans les épopées occidentales, mais un couple héroïque : il s’agit souvent d’un couple d’enfants, mais aussi parfois d’adultes. Le héros miyazakien est un couple, ce qui alimente aussi la réflexion sur l’individu : l’individu seul n’est absolument rien, il n’existe que dans une relation de couple, si bien que l’individu de base est le couple. Que cela soit un enseignement.

2) Le héros n’est pas béni des dieux et comblé de dons. Au contraire, les personnages miyazakiens sont souvent des maudits ou des victimes de malédiction. Cependant, l’histoire ne consiste pas à se sauver du mal mais à vivre avec. Souvent les personnages parviennent à lever leur malédiction, mais ils ne peuvent plus vivre comme avant.

3) L’autre, c’est le voisin. Toutes les histoires de Miyazaki semblent nous dire qu’il faut apprendre à vivre en bonne entente avec ses voisins, malgré leur différence ou leur étrangeté. Cette morale récuse tout manichéisme, et l’on voit bon nombre de « méchants » devenir sympathiques.

Cet ouvrage est aussi recommandable pour son caractère introductif à la culture japonaise. Que ce soit sur la mentalité nippone quant à l’insularité de cette nation : ce qui fait que les japonais ne sont pas des marins mais des agriculteurs et que ce qu’ils craignent le plus, c’est le tsunami ; ou bien que ce soit sur leur religion shinto qui consiste en un respect absolu de tout ce qui existe et qui explique pourquoi il y a des dieux partout : cette religion n’a pas de textes sacrés et ne comporte aucun commandement, étalon d’une morale qui s’impose à l’homme.

Enfin, on appréciera un décryptage très poussé du Voyage de Chihiro, avec notamment toutes les traductions des idéogrammes japonais, ce qui nous révèle toute une dimension de significations qui parlent aux japonais mais qui ne nous est pas accessibles par la barrière de la langue. La seule chose qu’on peut regretter, c’est que cet exercice n’ait pas été fait pour chaque film, mais il aurait fallu décupler la taille de l’ouvrage.

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