mercredi 14 avril 2010

… et le cœur de Vecna.

Le nom de Vecna, qui serait un anagramme de celui de Jack Vance, le célèbre auteur de SF dont découle le système de magie de Donjons & Dragons, se trouve dans les règles de ce jeu au rayon des reliques et artefacts, sous la forme de « l’œil de Vecna » et de « la main de Vecna ».

Figure légendaire, Vecna s’est forgé une réputation de magiocrate tyrannique en devenant lui-même un mort-vivant parmi les plus redoutés : une liche. A l’issue d’un duel pour la suprématie avec son lieutenant Kas, Vecna disparut de la surface du monde ne laissant à la postérité que son œil et sa main. Ces reliques maudites confèrent de grands pouvoirs à leur porteur.

Il n’en fallait pas moins pour que l’imagination des fans de D&D s’enflamme afin de retracer l’histoire de l’épouvantable règne de Vecna. Je cite pour mémoire ces quelques éléments de biographie extraits du Œrth Journal 1, qui furent, en ce qui me concerne, l’étincelle qui mit le feu à ma propre imagination.

« Celene mobilisa une armée pour venir en aide à Galitholian. Bien qu’ils remportassent quelques victoires au début (…), ils battirent en retraite vers Celene, mais Vecna ne les poursuivit pas. Ses yeux restaient fixés à l’est. » Que s’est-il donc passé pour que ses yeux restent fixés à l’est ? Ce récit est paru pour la première fois sur canonfire.



Quand l’Empire Suel devint maléfique, n’ayant pas la sagesse des Elfes Gris desquels il tenait ses pouvoirs, il réduisit en esclavage les peuples barbares avoisinant. Ces peuplades furent contraintes à l’exode pour ne pas tomber sous la coupe de leurs oppresseurs. Les premiers à quitter leur patrie furent les Flanae : franchissant les Montagnes Crystalmist, ils parvinrent dans les terres qui devaient plus tard porter leur nom, les Flanaess.

Les premières tribus Flanae s’établirent librement dans la Vallée Sheldomar. Les tribus qui suivirent durent aller plus loin au nord et à l’est. Au-delà des Montagnes Lortmil, elles pénétrèrent dans les royaumes elfes. Highfolk leur fit bon accueil et les laissa passer. Les Flanae étaient adeptes de la Vieille Foi (druidisme) et cette religion était également à l’honneur chez les elfes.

Les Flanae ne furent pas les seuls à quitter l’Empire Suel en ces temps lointains, certaines maisons Suel étaient tout autant révoltées par le déclin moral de leur nation et choisirent l’exil (ou furent forcées à s’exiler par leurs despotes malfaisants). C’est ainsi qu’un petit clan Suel traversa les montagnes, mais n’ayant pas les talents pour survivre dans la nature ni ceux pour combattre les monstres, il fut complètement décimé après son arrivée dans les Flanaess – tous sauf un.

Un qui était une, car c’était une jeune femme noble. Elle fut secourue par une de ces tribus Flanae qui devaient passer les Montagnes Lortmil pour trouver des terres vierges. Elle ne fut pas tuée car elle avait en commun avec ses sauveteurs la nécessité de fuir la même tyrannie. En outre, elle avait la peau blanche et une chevelure d’or et elle était si belle que le Chef en fit une de ses épouses.

Durant la migration vers le nord, elle donna bien vite naissance à un fils : l’aîné de ce chef Flanae. Ce fils sera connu sous le nom de Vecna. Mais à ce moment, il reçut un nom Flanae qui est maintenant tombé dans l’oubli. Il fallut plusieurs années à cette tribu Flanae pour atteindre les Montagnes Lortmil, pour entrer et sortir du royaume elfe de Highfolk et enfin pour trouver un endroit au nord du Nyr Dyv, qui se trouvait alors sous la domination du royaume elfe d’Aliador.

Contrairement à Highfolk, le roi d’Aliador, Galitholian Glitterhelm, se méfiait des étrangers, et il exigea des garanties avant de laisser les Flanae occuper ses terres. Ainsi, des otages furent réclamés par la cour elfique, en tant que serviteurs, en échange du droit de s’établir dans le royaume. Les otages devaient être les premiers nés de chaque famille de la tribu. Ils étaient une quarantaine de jeunes gens, et Vecna était de leur nombre bien entendu. Il était âgé de douze ans quand il arriva à la capitale elfe, Erieadan, dans les Montagnes Griffs.

Les grandes familles nobles de la cité elfique reçurent un ou deux otages comme serviteurs. Elles les traitèrent bien, quelquefois en leur donnant même une éducation artistique ou scientifique. Vecna fut attribué à l’un des grands mages personnels du roi : un vieil elfe vivant reclus dans sa maison qui lui servait de laboratoire. Le mage était bon avec Vecna mais restait distant car il ne voyait en lui qu’une créature sauvage et éphémère.

Le jeune Vecna était fasciné par la merveilleuse cité et heureux de servir son nouveau maître dans ses recherches et ses études magiques. Le mage fut agréablement surpris de remarquer l’intérêt de Vecna et reconnut sa grande intelligence. Il lui appris à lire, à écrire et d’autres choses encore. Quelquefois il retrouvait Vecna, au beau milieu de la nuit, en train de lire les livres de sa vaste bibliothèque. C’est de là que vint son nom actuel, car « Vecna » est le mot elfe qui veut dire « curieux » ou « assoiffé de connaissance ».

Arriva le moment où Vecna demanda à son maître de lui enseigner la magie. Après de longues considérations, le mage finit par accepter avec l’assentiment du roi. Vecna se révéla être un apprenti magicien doué et son mentor en fut très impressionné. Mais un jour, quand Vecna eut seize ans, quelque chose arriva.

Demeurant pour autant le serviteur du mage, Vecna devait s’acquitter des tâches domestiques, comme celle d’ouvrir la porte aux visiteurs. Un jour, il ouvrit la porte à quelqu’un qui venait d’y frapper. La personne qui attendait derrière la porte était une jeune fille elfe venant apporter au mage un petit travail magique pour le compte de son père. Vecna n’avait jamais vu pareille beauté. Elle lui sourit et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la première fois.

Elle revint régulièrement à la maison du mage pour les mêmes raisons (les besoins de son père en matière de magie) et à chaque fois, Vecna était là pour lui ouvrir la porte. Naturellement, il était en train de tomber amoureux d’elle. Il ne lui fallut pas longtemps pour découvrir qui elle était : la fille de Galitholian, princesse d’Aliador. Vecna comprit qu’il lui serait extrêmement difficile de la voir plus souvent et plus longuement, à moins qu’il ne se fasse accepter dans les écoles qu’elle fréquentait.

Vecna était bien un génie et, motivé par son amour, il réussit à être le premier humain à intégrer une école de magie elfique. Les années qui suivirent furent les plus heureuses que Vecna n’ait jamais vécues. Il pouvait voir la princesse presque tous les jours dans la salle de classe. Parfois, ils devaient tous les deux étudier le même sortilège, et la princesse lui demandait de lui expliquer ses subtilités. Vecna ne fut jamais aussi proche d’elle. Il tenta de lui faire connaître ses sentiments, mais la princesse lui fit comprendre que cela n’était pas possible, en partie parce que les humains avaient une durée de vie trop courte.

C’est alors que Vecna commença à chercher des moyens magiques pour prolonger son temps de vie. Ses investigations le conduisirent du côté obscur de la magie, et il se mit à compulser secrètement de vieux grimoires traitant de nécromancie. Il réalisa que pour vivre aussi longtemps qu’un elfe, il devait d’abord mourir et renaître une seconde fois sous la forme d’un mort-vivant autonome. De prime abord, il repoussa cette idée et sombra dans le désespoir. Mais sa passion était si forte qu’il ne pouvait pas non plus supporter la pensée de vivre sans la princesse. Vecna exhuma alors un livre perdu dans les recoins des bibliothèques elfiques, un livre Suel, « Le destin de Tilorop », qui décrivait la façon de devenir une liche.

Les années passèrent, Vecna devint mélancolique et la raison en fut découverte par certains des amis intimes de la princesse. Ceux-ci se moquèrent de lui et Vecna se mit en colère. C’est alors qu’advint le jour où les fiançailles de la princesse avec un prince elfe furent annoncées dans tout Erieadan, et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la seconde fois.

Au même moment, des messagers de sa tribu Flanae arrivèrent dans la capitale elfe avec de mauvaises nouvelles : le père de Vecna était tombé malade et ses jours étaient comptés. Vecna demanda au roi la permission de retourner chez lui. Le roi lui accorda cette permission, d’autant plus facilement qu’il lui était venu aux oreilles les échos de ses sentiments pour sa fille : il se félicitait de le voir s’éloigner d’elle. Vecna se jura qu’il reviendrait pour la princesse. Il prit avec lui son livre de sorts et, secrètement, « Le destin de Tilorop ».

Vecna arriva juste avant que son père ne meure, celui-ci eut le temps de lui révéler qu’il n’était pas en fait son père de sang. Sa mère était déjà enceinte quand elle fut secourue par la tribu Flanae. Le père génétique de Vecna était le chef du groupe de réfugiés Suel. Vecna était un Suel de sang pur. Sa mère lui confirma toute l’histoire, disant qu’elle était reconnaissante au chef mais ne lui avait pas dit la vérité à l’époque. Toutefois, le chef nourrissait de sérieux doutes. Vecna avait la peau vraiment pâle, et les cheveux blonds. De plus, le chef avait choisi l’un de ses autres fils, celui d’une autre épouse, pour lui succéder.

Les émissaires elfes qui vinrent assister aux funérailles du chef annoncèrent à Vecna que le roi le libérait de son statut d’otage et lui souhaitait de devenir un bon chef pour son peuple. Vecna compris aussitôt pourquoi le roi ne voulait pas le voir revenir dans la cité elfe, et cela le rendit fou de rage et de frustration. Il saisit aussi pleinement, dès lors, le pouvoir que l’on pouvait tirer des secrets bien gardés.

Quelques jours après cet événement, Vecna fut contacté par des membres de la secte des Ur-Flanae. Les Ur-Flanae voyaient en lui un potentiel qui pouvait faire avancer leur cause. Vecna vit en eux le moyen de réaliser son plus cher désir : retourner à Erieadan et enlever la princesse. Cela ne pouvait se faire que par la force et il lui fallait une armée. Vecna tua le nouveau chef de sa tribu Flanae, pris le contrôle de son peuple adoptif avec l’aide des Ur-Flanae. Il érigea une tour noire au milieu du lac Nyr Dyv et commença à bâtir son empire.

Vecna masqua sa présence aux yeux des elfes en utilisant la magie. Il étudia « Le destin de Tilorop » et se mit à conduire des expériences avec ses Ur-Flanae sur la création de morts-vivants. Vecna perfectionna la technique requise pour devenir une liche. Il s’engagea alors sur la voie de Tilorop. Il concocta la potion de liche, il l’a bue et le cœur de Vecna cessa de battre… pour la troisième (et dernière) fois.

Le reste est de l’histoire connue. Vecna recruta des goblinoïdes des plaines du nord. Il corrompit et asservit son peuple, et, grâce à un plan de procréation, eut bientôt une armée dont les effectifs dépassaient largement ceux des elfes de l’est. Vecna forgea l’épée qu’il donna ensuite à Kas.

Vecna marcha contre Galitholian, en ramenant ses soldats tombés sur le champ de bataille sous la forme de morts-vivants. Implacablement, son alliance de goblinoïdes, de morts-vivants et de Flanae repoussait les elfes jusque dans leurs forteresses des montagnes. Les forces de Galitholian furent chassées d’un coup fulgurant des plaines à l’ouest des montagnes Griffs. Les forces de Vecna se répandirent dans les plaines à l’est et au nord du Nyr Dyv, et elles se déployèrent jusqu’aux pieds des montagnes Griffs.

Celene (un royaume elfe de l’ouest) mobilisa une armée pour venir en aide à Galitholian. Bien qu’ils remportassent quelques victoires au début en prenant Vecna en tenailles, celui-ci fit appel aux pouvoirs des Ur-Flanae et invoqua une conflagration magique qui fut la cause du désert étincelant. Les pertes furent nombreuses et l’armée elfe fut prise de panique. Ils battirent en retraite vers Celene, mais Vecna ne les poursuivit pas. Ses yeux restaient fixés à l’est.

La première cité elfe des montagnes tomba aux mains des armées de Vecna. Cela inaugura la guerre de 400 ans. Les armées de Galitholian reculaient inexorablement devant l’avancée de Vecna, aucune aide ne parvint à Galitholian. Les armées de Vecna conquirent toutes les cités elfes des montagnes Griffs sauf cinq. Galitholian conduisit l’armée de sa capitale au combat. Il contre-attaqua Vecna et le repoussa hors des montagnes. Mais une fois dans les plaines, Vecna dévoila sa nouvelle arme, une épée noire forgée d’un minerai tombé des étoiles. Vecna affronta Galitholian en combat singulier et le tua.

L’armée de Vecna put alors exterminer les elfes, et repris l’assaut des montagnes. Il occupa et saccagea les cités elfiques, les refaçonnant à son image. Quatre cités, cependant, dont la Cités des Etoiles d’Eté, ne furent pas retrouvées. La capitale, Erieadan, le sommet de l’architecture des Elfes Gris et de leur pouvoir, fut complètement rasée. Ainsi périt le royaume elfe d’Aliador et le trône du grand roi. Pourtant, Vecna ne retrouva jamais la princesse ; elle avait fui en lieux sûrs et il fut incapable de découvrir où. Ce fut sans doute l’unique secret à jamais resté hors de sa portée.

4 commentaires:

  1. j'ai de quoi aidé Vecna dans sa quête, mais cela risque de lui couter cher...

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  2. Tu sais où se trouve la princesse ?

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  3. et oui, mais le prix à payer est presque inestimable...

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