vendredi 29 août 2014

Enfin (un) peu de sexe !

En revoyant Les Sept Mercenaires, le western de John Sturges avec Yul Brynner et Steve McQueen, je suis tombé sur cette scène (regardez bien la réaction de Steve McQueen à ce que dit l'ancien du village à propos des femmes) :


McQueen passe plusieurs secondes dans cette attitude mêlant incrédulité et stupéfaction, si bien qu'il doit se secouer la tête pour reprendre ses esprits et poursuivre le dialogue en cours concernant la sécurité de l'ancien du village avant le retour des bandits.

Quand on voit que McQueen, dans une scène précédente, est d'avantage intéressé par la contemplation des hanches des femmes du village penchées sur la lessive au bord de la rivière plutôt que par son devoir d'entraîner les hommes à tirer au fusil, on ne doute pas que les femmes ne lui sont pas indifférentes !

C'est pourquoi sa réaction revêt un aspect comique. Mais pas seulement à rire, il donne également matière à réfléchir... Car, dans cette scène, qu'est-ce que se dit McQueen, homme qui pense toujours aux femmes ? A quoi pense-t-il, McQueen, après cette révélation de l'ancien du village qui a visiblement ébranlé ses opinions sur la chose ?

J'imagine qu'il se dit : "Quoi ? Les femmes sont devenues indifférentes à l'ancien ? C'est impossible ! Pour moi, même à 83 ans, je continuerai à m’intéresser aux femmes ! Il doit mentir." Mais, j'imagine également qu'il pense autre chose : "Quoi ? Les femmes peuvent nous devenir indifférentes, mais pas avant 83 ans ? L'ancien s'est enfin libéré de cette passion, mais moi, je vais devoir attendre mes 83 ans pour connaître cette paix. Quelle plaie !"

En effet, la question qui peut nous (et ici je parle des hommes - individus masculins) tarauder n'est pas tant de savoir si le désir des femmes peut durer longtemps, mais plutôt s'il peut disparaître un jour. Ou du moins se modérer, s'atténuer et nous quitter... définitivement ?

La question n'a heureusement pas été jugée indigne d'être posée, pensée et étudiée par certains philosophes, dont notamment Spinoza. En tant que philosophe du désir, Spinoza n'élude pas la question du désir sexuel. Il ne s'agit pas pour lui d'ailleurs de réprimer les désirs, sexuels y compris, mais de les comprendre et d'en user, comme en tout, avec modération.

Bernard Pautrat, traducteur de Spinoza, a consacré un livre à ce sujet :


L'auteur nous rappelle que les désirs ne se divisent pas en bons et mauvais, mais que seul l'excès dans un désir est néfaste. Ainsi, on peut condamner l'Ambition, la Gourmandise, l'Ivrognerie, l'Avarice car ce sont respectivement les désirs excessifs de gloire, de manger, de boire, des richesses. Mais concernant la Lubricité, le désir de s'accoupler aux corps, Spinoza ne le désigne pas comme excessif, mais il demeure néanmoins néfaste.

Comme l'analyse Pautrat, la libido (sexuelle) n'a pas besoin d'être excessive pour être une passion mauvaise, elle le serait en soi qu'on s'y adonne modérément ou immodérément. Dans son livre, cette particularité de la Lubricité n'est pas clairement élucidée par Pautrat : c'est une passion qui ne peut pas être soumise à la droite conduite de la raison ; on ne peut que lui opposer la Chasteté, une force de l'âme.

Or il me semble que cette particularité peut s'expliquer à l'intérieur même du système de Spinoza. En effet, prenez la Gourmandise, par exemple, en tant que désir excessif de manger, cette passion naît du besoin de l'individu de persévérer dans son être, car il doit manger pour continuer à vivre. Trop manger consiste à se laisser aller au plaisir que procure la nourriture, mais, à la base, la nourriture est bien là pour conserver le rapport constitutif de l'individu : son corps, afin de prolonger son existence.

Il en est de même pour l'Ivrognerie : boire permet à l'individu de persévérer dans son être, mais boire avec excès ne le favorise pas. Idem pour l'Ambition et l'Avarice ; ce sont à la base des désirs qui répondent au besoin de chacun de persévérer dans son être, mais si l'on désire la gloire ou les richesses de façon obsessionnelle, on tombe dans la passion qui risque plutôt de détruire le rapport constitutif de l'individu au lieu de le préserver.

En revanche, il ne semble pas que le désir sexuel naisse du désir de l'individu de vouloir persévérer dans l'existence. En effet, qu'un homme s'abstienne de manger ou de boire, il finit par en mourir ; mais qu'il s'abstienne d'assouvir son désir de coïter, cela ne le mettra jamais en danger de mort. Autrement dit, j'affirme que le désir sexuel ne sert pas à la survie de l'individu, comme le fait le désir de manger ou boire : le désir sexuel ne sert pas l'individu, il sert évidemment l'espèce.

Le désir sexuel est d'avantage la manifestation du désir de l'espèce humaine à persévérer dans son être, c'est-à-dire, qu'il est le désir propre de ce grand individu (individu supra-individuel) qu'est l'humanité actuelle dans son ensemble. Nous retrouvons ici un thème très schopenhauerien : l'amour entre l'homme et la femme n'est que le désir de l'enfant qui veut naître d'eux...

Le désir sexuel n'est donc pas tant celui de l'individu que celui de toute l'espèce, c'est pourquoi il n'a pas besoin d'être excessif pour lui être néfaste : il est déjà démesuré, il le dépasse de partout, il n'appartient pas à l'individu pour sa survie, mais l'individu lui appartient pour assurer la survie de l'espèce. L'individu quand il désire sexuellement est entré dans le rapport de composition de l'espèce humaine : il est soumis au désir d'un plus grand individu ; c'est pourquoi ce désir ne sert pas l'individu, mais c'est l'individu qui le sert. L'individu ne semble donc pas de taille à lutter contre lui : sa puissance individuelle est ridiculement faible comparée à la puissance de l'espèce, il est battu d'avance.

Dans son film, F for Fake (Vérités et monsonges), Orson Welles nous fait assister à une scène frappante de "girl-watching" : il s'agit d'une caméra cachée filmant des hommes en train de regarder marcher dans la rue une starlette court-vêtue. Comme c'est gênant, cette scène inspire autant de pitié que de honte. 

Aussi comprend-on la réaction de McQueen : l'ancien du village prétend ni plus ni moins s'être affranchi de ce désir qui anime les hommes, de cette force plus forte que chaque individu. Il est donc soit un menteur, soit un surhomme. Il est peut être aussi tout simplement un vieillard... il en a fini de regarder les jeunes filles marcher dans la rue. Enfin peu de sexe, voire plus du tout.

Soit dit en passant, la pulsion sexuelle fait sentir sa puissance de façon formidable sur les individus, en faisant que, d'une part, la moitié de l'humanité est obsédée par le désir de s'accoupler et que, d'autre part, l'autre moitié est victime du harcèlement de la première. Il ne s'agit pas de victimiser les uns ou les autres : dire que les hommes sont victimes de leurs pulsions sexuelles relève d'une certaine mauvaise foi. En effet, ce sont les femmes qui sont violées, jamais les hommes. A ma connaissance, le viol des hommes par les femmes n'est pas une pratique courante (encore que cela peut être un fantasme masculin courant, mais je m'égare...)

La Lubricité est donc un problème qui se pose à l'échelle sociale ou collective, car ce sont les femmes qui en souffrent majoritairement. La réponse à ce problème devrait également être sociale et collective, car on est plus fort ensemble que tout seul. Or, les réponses aujourd'hui mises en place par la société sont inadéquates : il s'agit surtout de répression pénale. Rien d'étonnant à cela, comme nous l'avons vu dans l'article précédent, l'outil de cohésion de la société est la peur : la peur d'un mal plus grand prévient l'individu de se laisser aller à la satisfaction de ses désirs.

En outre, les hommes occupent dans nos sociétés une position dominante ; ils s'accaparent les instruments du pouvoir social : politique, économie, justice, science, etc. si bien que les moyens de pression de la société sont parfois mis au service de cette pulsion sexuelle qu'ils sont sensés combattre. Prenez par exemple le cas du Maroc, où la jeune femme violée est obligée d'épouser son violeur. Cette pratique a pour but d'effacer le crime de l'homme, car une épouse ne peut pas porter plainte contre son mari pour viol. C'est un détournement des moyens pour épargner l'homme coupable, une perversion (per-versare : tourner de l'autre côté, détourner).

J'en viens à espérer une société beaucoup plus paritaire entre hommes et femmes pour que l'équilibre entre les sexes assure une vie sans dominants ni dominés, une vie plus harmonieuse et apaisée (est-ce seulement possible ?). Pour l'heure, il me faut mettre un terme à cet article qui ne s'est que trop étalé en longueur, encore que chacun de ses paragraphes pourrait faire l'objet d'un développement aussi long que lui, et je vous souhaite à tous, amis lecteurs et lectrices, enfin... peu de sexe dans votre vie.

samedi 18 janvier 2014

La conception spinoziste de la société

Intro :

Pour Spinoza, une société ou un individu, c’est la même chose : c’est un mode.

La question n’est pas de savoir comment une société se forme (contre la théorie volontariste : réunion d’individus dans un contrat) mais comment une société peut durer. Un individu, c’est déjà une société : un ensemble de plus petits individus (corps ou idée) maintenus ensemble par la puissance du mode. Une société est un corps qui maintient ensemble les autres corps qui la composent : les corps composants (les hommes) ne sont pas volontaires, mais ils perçoivent bien les avantages de la vie en société (… s’ils sont raisonnables).


Résumé :

1) Spinoza est réaliste : ne l’intéresse que l’étude du réel, non pas les spéculations sur ce qui devrait être, ou aurait pu être (les utopies).

2) Spinoza est naturaliste : le réel et la nature s’identifiant, les mêmes lois naturelles s’appliquent en tout et partout.

3) Spinoza est déterministe : le libre-arbitre est une illusion (perception de l’effet mais non pas de la cause). Tous les modes (corps individuels, corps sociaux) sont pris dans la nécessité.

Accessoirement : Spinoza critique les théories contractualistes de la société.

4) Spinoza est rationaliste : la raison permet de connaître les causes, elle permet de connaître ce qui nous est vraiment utile. Mais la raison n’a pas la force de contraindre les individus.

5) Spinoza est pratique : tout individu cherche son utilité propre, mais pour maintenir ensemble les hommes qui s’opposent par leurs désirs, mais dont l’utilité est manifestement de s’entraider, le moyen de la société sera d’utiliser aussi les passions : la crainte d’un mal plus grand et l’espoir d’un bien plus grand.


En bref :

Le « choix » de vivre en société est passionnel pour la majorité des hommes (ils craignent de subir un dommage plus grand que celui de devoir obéir aux règles communes – qui est donc un moindre mal), même si le projet de vivre en société est de raison (c’est-à-dire, c’est la façon la plus utile de vivre). La force du pacte est son utilité. L’alliance devient le pacte raisonnable.

Corpus :

La conception de la société se trouve dans l’œuvre de Spinoza aux endroits suivants :
Traité théologico-politique, chapitre 16
Traité politique, chapitre 2
Ethique, partie IV, proposition 37, scolie 2


Influence :

Bien que Spinoza reconnaisse une parenté de sa conception de la société avec celle de Hobbes, il se distingue de ce dernier au moment crucial du passage de l’état de nature à celui de l’état civil. Pour Spinoza, l’état civil, « c’est la continuation de l’état de nature » (lettre N° 50 à Jarig Jelles du 2 juin 1674).

En l’occurrence, l’homme n’abandonne pas son droit naturel dans la société, et la vie sociale s’apparente à une gestion des différentes passions humaines qui rapproche Spinoza de Machiavel quand ce dernier explique au prince les moyens de se maintenir au pouvoir en jouant sur les passions.


1) Le réalisme :

Spinoza prend acte du fait social (TP, chap. 2, § 15 ; E, IV, prop. 35, scolie) et son projet n’est pas de décrire la société idéale (TP, chap. 1, § 1), mais de décrire la société comme elle est, supposant que toutes les formes d’organisation sociale ont déjà vu le jour, et que l’on n’assistera qu’à la répétition du même (TP, chap. 1, § 3).


2) Le naturalisme :

Le droit naturel (jus naturale) fait l’objet de l’exposé du début du chapitre 16 du TT-P. Il ne s’agit pas d’un droit en vigueur avant la société (Hobbes) ou dans un état idéal ou fictif (Rousseau), mais du droit actuel et réel de toute chose. Ce que je peux faire, c’est mon droit naturel.

Cela peut se comprendre si on ramène le fait social à un objet naturel. Une société est un corps. C’est un corps composé d’autres corps. Mais de même que le corps humain est composé, le corps social est composé et fonctionne en suivant les mêmes lois universelles de la Nature. La société ou l’individu, c’est la même chose : la Nature, dans son entier, étant l’individu suprême.

Ce qui distingue la société des autres corps, c’est que ses composants – les êtres humains – sont des corps spéciaux : des corps dont l’âme (l’idée du corps) a conscience d’elle-même, a conscience de ses affections, bref, éprouve des passions (joie et tristesse).

Pour une physique des corps simples, voir les lemmes de la partie II de l’Ethique, entre les propositions 13 et 14. Le corps social fonctionne avec les mêmes lois que le corps matériel (attribut étendue) mais avec cette dimension supplémentaire que sont les passions (attribut pensée). Autrement dit, les individus en société s’attirent et se repoussent, comme les corps simples avec les lois de la mécanique, qui se communiquent les mouvements par contact, mais sans se toucher, par la force des passions.


3) Le déterminisme :

Tout ce qui existe est déterminé à être et à agir (ou à pâtir) selon les lois de la Nature ou de Dieu. Les corps se maintiennent dans leur état en actualisant leur rapport de composition, Spinoza dit leur essence ; dans l’existence, l’affirmation d’une essence se fait par un effort (force), le conatus, qui est « le désir de persévérer dans son être ».

Dans TP, chap. 2, § 10, Spinoza liste les 4 façons dont plusieurs hommes peuvent se composer entre eux et former un corps social :
1. un homme en enchaîne un autre (le prisonnier) ;
2. un homme en désarme un autre et l’empêche de fuir (l’esclave) ;
Ces deux premiers moyens ne contraignent que le corps, l’âme n’est pas contenue : à la moindre occasion, le prisonnier ou l’esclave tenteront de s’échapper.
3. un homme inspire de la peur à un autre (crainte d’un mal) ;
4. un homme accorde des bienfaits à un autre (espoir d’un bien).

Avec ces deux derniers, on tient l’âme et le corps des hommes mais on ne les tient que tant que durent la crainte et l’espoir.

La société utilise surtout le 3ème moyen pour se maintenir. Citation de l’Ethique, partie IV, proposition 37, scolie 2 : « C’est donc par cette loi que la Société pourra s’établir, à condition de revendiquer pour elle-même le droit qu’a chacun de se venger, et de juger du bien et du mal ; et par suite, d’avoir le pouvoir de prescrire une règle de vie commune, et de faire des lois, et de les garantir non par la raison, qui ne peut contrarier les affects (renvoi au scolie, prop. 17, III*) mais par des menaces. »
* La raison ne peut contrarier un affect, seul un affect plus fort le peut. Donc « cette loi » n’est autre que la peur de subir un dommage plus grand quand on désobéit aux lois de la société, que celui moindre de renoncer à satisfaire tous nos appétits au détriment de la société.

Aussi, dans la société les hommes n’abandonnent jamais leur droit naturel de faire tout ce qui leur plaît. Ils conservent ce droit. Il n’existe pas de contrat social qui opère ce transfert : même l’état civil demeure un rapport de force.

Et c’est pour cette raison que la société a un effet attristant sur les hommes car d’un certain point de vue (celui de l’assouvissement des passions) elle les empêche de faire ce qu’ils veulent, mais d’un autre point de vue (celui de la raison), les avantages de la vie en société sont incommensurables avec ceux de la vie en solitaire et prétendument indépendante. Même les peuples les plus barbares ont arraché à la nature un peu de confort au prix de la collaboration des individus.

Critique du contractualisme
Dans le chapitre 16 du TT-P, Spinoza décrit la mécanique du contrat, de l’engagement ou de la promesse que s’accordent deux hommes à faire ou ne pas faire quelque chose. De fait, il affirme que la promesse n’est que des mots, que si la parole donnée devait impliquer un dommage plus grand que celui qu’elle faisait éviter, ou que le bien convenu soit moindre que celui obtenu en rompant sa promesse, il ne sert plus à rien de la respecter, il serait même contraire à la nature de la respecter et même contraire à la raison de continuer à le faire.

De même dans la société, un individu pourrait à tout moment cesser de se soumettre aux exigences de la société : désobéir, mais s’il se fait prendre, il y a fort à parier qu’il en subira les conséquences. Néanmoins, si une société n’est plus capable d’inspirer la crainte à ses membres, ou qu’elle ait provoqué la préférence de risquer sa vie plutôt que de continuer à vivre sous son régime (on songe aux tyrannies), alors la révolution est possible, elle est même de droit (naturel) et c’est une leçon pour les gouvernants, à savoir qu’ils ont intérêt à faire des lois qui satisfassent les besoins des hommes, et non leurs désirs personnels.


4) Le rationalisme :

La raison n’est qu’une faculté de connaissance. Elle permet à l’homme de connaître les lois naturelles et ainsi les causes qui le font être et agir. Mais en aucun cas elle ne peut forcer les hommes à agir contre ces lois.

La raison enseigne seulement l’évaluation du bien et du mal, et permet de calculer le ratio bien/mal, afin d’éventuellement se déterminer à choisir le moindre mal et le plus grand bien.

« L’objet de la raison humaine est l’utilité véritable et la conservation des hommes ». TT-P, chap. 16.

La raison préconisera donc que la vie en société est beaucoup plus désirable que la vie en solitaire où l’individu est livré à lui-même. La raison révèle qu’il vaut mieux se soumettre aux lois de la société, même si cela nous contrarie à certaines occasions, car les avantages qui en résultent sont tels qu’ils ne peuvent être atteints que par l’effort des hommes collaborant entre eux, et jamais par les hommes seuls et sans assistance.


5) le pragmatisme ou l’utilitarisme :

Passant du niveau individuel au niveau collectif, Spinoza expose que la société doit elle aussi chercher son utilité et la première étant de persévérer dans son être elle doit chercher à garder ses individus composants sous sa domination, en les captant et les contrariant dans leur désir d’émancipation, à l’exception d’un seul : à savoir la liberté de penser et de s’exprimer qui est l’essence de l’homme.

Aussi, une société qui priverait ses membres de cette liberté essentielle se condamne-t-elle à une mort certaine, car les concessions consenties par ses membres ne sont plus contrebalancées par les avantages reçus en échange. La vie humaine n’est pas seulement la vie des corps, la vie organique, que même une tyrannie peut assurer à ses sujets (le maître nourrit bien son esclave…) ; la vie humaine est aussi la vie de l’esprit et une société qui veut perdurer doit pouvoir permettre à ses membres de cultiver cette vie spirituelle, donc de pouvoir penser et s’exprimer librement.

La société la plus à même de réaliser cet objectif est une démocratie.

lundi 1 août 2011

Satisfecit

Galliskinmaufrius took the hardest Gary Gygax Quiz in the World and got 90%!


You are a Gary Gygax Lord. Wow, you know a lot about Gary Gygax! My guess is that you are one of those Old School Renaissance guys, or else your last name is Gygax. Seriously, I didn't think anyone would do this well on this quiz.

Paladin Code: You completed this quiz without using Google.

vendredi 8 juillet 2011

Post-scriptum à l’article précédent

Avant d’aller plus loin dans la pensée de Clément Rosset, j’estime nécessaire de revenir sur une de ses idées citées dans l’article précédent. Le seul discours philosophique qui vaille est, pour notre penseur, celui de la tautologie. J’avoue que cela est à la fois un peu facile et trop réducteur.

Dans un sens, dire que la tautologie est le summum de la philosophie, c’est comme dire que le summum de la peinture est un carré blanc sur un fond blanc, ou que le summum de la musique c’est le silence absolu, ou encore que le summum de la sculpture est le bloc de marbre brut.

Ce qui est vrai. Peut-on s’extasier devant un carré blanc ? En écoutant le silence ? Ou bien en contemplant un bloc de marbre ? De même, il n’y a pas de quoi se pâmer intellectuellement devant une tautologie.

Je ne pense pas non plus que ce soit l’interprétation correcte de la citation de Clément Rosset. Ce dernier ne prône pas tant la tautologie comme discours philosophique ultime mais vante plutôt sa fonction « critique ».

La tautologie sera un critère : une toise, un rasoir d’Ockham qui permet de discerner, parmi tous les discours qui prétendent à la valeur philosophique, ceux qui peuvent vraiment nous libérer l’esprit de ceux qui ne font que nous garder dans une certaine servitude mentale.

Clément Rosset n’est pas un annihilateur de la philosophie, un réducteur à zéro (pour peu qu’on pense que la tautologie revienne à dire 0 = 0). Au contraire, il apprécie grandement des philosophes comme Parménide, Epicure, Lucrèce, Spinoza, Nietzsche car leur parole vise réellement à la libération de l’homme.

De même, les philosophes dualistes ou transcendantaux trouvent grâce aux yeux de Clément Rosset dans une certaine mesure. En effet, la philosophie sera toujours utile, quelle que soit sa méthode, à chaque fois qu’elle nous rend plus lucide.

Nous verrons tout cela dans les prochains articles sur Clément Rosset.

lundi 13 juin 2011

Citation de Clément Rosset

Je laisse la parole à Clément Rosset au sujet de son projet philosophique :

"Il n’y a rien de plus précieux à penser que la réalité ; or celle-ci ne fait qu’une avec sa propre identité ; donc la parole philosophique qui rend le mieux la réalité est celle qui exprime le mieux son identité : à savoir la tautologie.

Par ce syllogisme je ne prétends évidemment pas établir que le discours philosophique se réduit au discours tautologique.

La brièveté même de la tautologie interdit de le penser (encore qu’elle dispose à sa manière de développements aussi infinis que ceux de la métaphore), comme elle interdit de toute façon de parler de « discours tautologique », – sinon toute la philosophie du monde se résumerait à la formule selon laquelle A est A (je ne serais d’ailleurs pas très loin de le penser, mais cela est une autre affaire).

Je veux seulement suggérer que le discours philosophique le plus fort est d’inspiration tautologique et que tout discours philosophique tenu à partir de l’inspiration contraire, c’est-à-dire de l’intuition dualiste, est plus faible.

On pourrait ainsi imaginer un arbre généalogique des philosophes scindé dès le début en deux branches rivales et inconciliables : celle qui commence avec Parménide, pour la lignée légitime, et celle qui commence avec Platon, pour la lignée bâtarde."

Cette citation est extraite de son livre L'Ecole du Réel, qui est en fait une compilation du meilleur de tous ses ouvrages parus de 1976 à 2006 traitant de question du réel, soit un volume de près de 500 pages, alors que ces opuscules sont d'ordinnaire beaucoup plus courts. Mais si vous ne deviez en acheter qu'un seul, ce serait celui-là, car vous y trouverez l'essentiel.

mardi 24 mai 2011

Lectures de Clément Rosset

Clément Rosset est un philosophe français contemporain. Ou plutôt, devrais-je dire un anti-philosophe. En effet, s'il a commencé sa carrière comme commentateur de Schopenhauer et de Nietzsche, il s'évertue depuis plus de 30 ans à remonter laborieusement la pente, que tous les philosophes ont allégrement descendue depuis moins de 30 siècles.

Reprenons donc depuis le début : Parménide d’Elée, philosophe grec présocratique du VIème siècle avant J.-C., écrit la thèse philosophique ultime : « l’être est, le non être n’est pas ». Qu’y a-t-il à ajouter ? Rien ! Toute la philosophie se réduit à dire cela. Alors, certes, cela ne laissait plus grand-chose à dire pour ses successeurs.

Et pourtant, il fallait qu’ils disent quelque chose, et ils se mirent donc, Platon le premier, à dire des choses qui divergent un tant soit peu avec l’affirmation parménidienne. C’est dans le dialogue intitulé Parménide (pour dire…) que Platon commet, de son aveu propre, le parricide : c’est-à-dire qu’il ose dire autre chose que Parménide.

Je résume brièvement et dans la langue commune ce que Platon affirme, afin d’avoir quelque chose à dire après Parménide : « certes, l’être est, et le non être n’est pas, mais il se peut, parfois, il arrive que le non être, et bien, que le non être, en fait, soit aussi un petit peu ». A partir de là, découle toute la succession des philosophes, qui jusqu’à aujourd’hui, nous ont parlé dans leurs livres volumineux d’une quantité de non êtres qui sont et d’autant d’êtres qui ne sont pas.

Et voici donc la tâche à laquelle nous convie Clément Rosset : nettoyer notre raison philosophique avec du détartrant anti-non-être-qui-est-un-peu-quand-même et retrouver le sens profond de la sage parole de Parménide.

Si cela vous intéresse, je vous invite à relire ensemble les meilleures livres de Clément Rosset sur la question, au cours des prochains articles de ce blog.

lundi 11 avril 2011

Anniversaire

Mon p'tit blog a un an ! Je vais vous parler de l'oeuvre de Clément Rosset, revenez bientôt.